Réforme inachevée pour les assurés handicapés
De nombreuses questions se posent pour les assurés handicapés désireux de partir à la retraite ou pour anticiper ce départ. La récente loi 2014-40 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites y a consacré deux articles. Ceux-ci auraient dû trouver application au 1er février 2014. Explications.
L’article 36 concerne le départ anticipé, il modifie L.351-1-3 du code de la Sécu :
« La condition d’âge (légal) prévue au premier alinéa de l’article L. 351-1 est abaissée dans des conditions fixées par décret pour les assurés handicapés qui ont accompli, alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente d’au moins 50 %, une durée d’assurance dans le régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré ».
L’article 36 de la loi ne modifie que la notion relative au niveau du taux de l’incapacité, « d’une incapacité permanente d’au moins 50 % » en remplacement de « au moins égale à un taux fixé par décret ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) . La question qui reste en suspens : qui ? Quelle décision de quel organisme ? sera retenue pour valider le taux d’incapacité : la MDPH, l’assurance maladie pour les accidentés du travail ou les invalides, un dossier médical pour des situations de handicap de naissance ou des pathologies contractées durant l’enfance par exemple.
Quels justificatifs ?
Pour mémoire, un arrêté du 5 juillet 2004 fixait les pièces permettant à l’assuré de justifier du taux d’incapacité permanente d’au moins 80% ou de niveau comparable. Dans cet arrêté et dans une circulaire de la CNAV, il peut être relevé que les décisions d’attribution de la carte d’invalidité, prise par les organismes, instances ou autorités suivantes :
– la commission départementale d’éducation spéciale,
– la commission d’admission à l’aide sociale,
– la COTOREP,
– la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées,
– le préfet de département,
– la direction départementale des affaires sanitaires et sociales,
– les services des anciens combattants du Ministère de la Défense (carte d’invalidité militaire).
Ou encore et entre autres : décision de la caisse primaire d’assurance maladie ou de la caisse de mutualité sociale agricole accordant une pension d’invalidité de 2ème ou de 3ème catégorie.
Si l’on se réfère à l’exposé des motifs de l’article 36 (ex art. 22) du projet de loi, on est en droit d’attendre des précisions : « Ce critère de RQTH, introduit par la loi du 9 novembre 2010, apparaît inadapté dans de nombreuses situations d’assurés qui n’ont pas demandé le bénéfice de la RQTH pendant les périodes où ils travaillaient, alors qu’ils auraient pu en bénéficier. Certains assurés justifiant d’un handicap durable, médicalement attesté, ou encore d’un handicap congénital, sont ainsi écartés du bénéfice de la mesure en raison de l’absence de RQTH, alors même qu’ils pourraient justifier d’un taux d’incapacité permanente, au sens de la MDPH, antérieur.
Le présent article propose de remplacer pour le bénéfice de la retraite anticipée des travailleurs handicapés, le critère peu opérant de la RQTH, par le taux d’incapacité permanente (IP) de 50%, afin de prendre en compte l’ensemble des périodes pendant lesquelles l’assuré justifie d’un handicap lourd (50%) et au titre desquelles il ne peut jusqu’ici pas ouvrir droit à la retraite anticipée. »
Alors que la loi rend applicable, depuis le 1er février 2014, l’article L.351-1-3 du code de la Sécu fixant le taux d’incapacité à 50%, la liste des justificatifs pour l’application de la nouvelle disposition n’a pas été modifiée à ce jour.
Cette incertitude peut être source de contentieux devant la juridiction de la sécurité sociale. Les assurés handicapés qui essuient un refus de leur caisse d’assurance retraite n’ont d’autres ressources que de saisir la Commission de recours amiable puis le Tribunal des affaires de sécurité sociale pour faire reconnaître leur droit. Une procédure qui retarde l’ouverture de leurs droits compte tenu de la longueur des procédures.
Cumul des périodes RQTH et du taux d’incapacité d’au moins 50%
Une autre question mérite précision. Le même article 36 au point III prévoit une période transitoire jusqu’au 31 décembre 2015 pendant laquelle, les assurés bénéficiant d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), pourront encore bénéficier d’un départ anticipé si les conditions de durées d’assurance concomitantes au handicap sont remplies. La rédaction de l’article laisse supposer que les périodes d’assurance concomitantes au titre de la RQTH viendront s’ajouter à celles où l’assuré aura été reconnu à un taux égal ou supérieur à 50% à partir du 1er janvier 2016. Cette interprétation attend confirmation.
Le taux plein dès l’âge légal pour les assurés handicapés
L’article 37 n’est toujours pas mis en œuvre. Rappelons que cet article vise à attribuer le taux plein de 50% à l’âge légal de 60 à 62 ans pour le calcul de la pension pour les assurés disposant d’un taux d’incapacité fixé par décret.
Bien qu’applicable depuis le 1er février 2014, ce décret n’est toujours pas paru malgré l’engagement pris dans l’exposé des motifs cité plus haut pour un taux d’incapacité fixé à 50%.
Gilbert Jérôme