UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

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Refuser une logique des empires et de la loi du plus fort


Le contexte géopolitique international est en plein bouleversement. Il y a encore six mois, nous observions avec inquiétude une polarisation croissante entre ce que d’aucuns appelaient « l’Occident global » et « le Sud global », polarisation par ailleurs encouragée et instrumentalisée par les deux grandes puissances que sont la Chine et la Russie.

Fil Bleu, le magazine des adhérents de la CFDT Retraités, a interrogé Béatrice Lestic, secrétaire nationale de la CFDT, responsable de la politique internationale, Europe et Outre-Mer.

Béatrice Lestic. Aujourd’hui, avec l’élection de Donald Trump, la donne a changé. « L’Occident global » s’est fracturé et, fait inédit depuis 80 ans, l’alliance entre les États-Unis et l’Europe est sinon terminée du moins questionnée.

Nous assistons au retour d’une logique des empires et de la loi du plus fort, logique dans laquelle se retrouvent les trois grandes puissances, Chine, Russie et USA.

Le système multilatéral issu de la fin de la Deuxième Guerre mondiale est fragilisé et les valeurs qui l’ont construit sont remises en question. Je rentre du Conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail (OIT) où j’ai pu observer en direct ces glissements politiques inquiétants.

La question cruciale du devenir de l’Europe dans ce contexte

L’Union européenne s’est construite sur le modèle démocratique et de coopération entre les États membres et dispose de nombreux atouts. Elle est le premier marché et espace d’échanges commerciaux de marchandises et de services, internes et externes, et elle est la troisième puissance économique mondiale avec 17 % du PIB mondial, derrière la Chine (18 %) et les États-Unis (25 %). L’Europe est donc forte si elle le veut.

Le contexte international pose aujourd’hui des questions cruciales voire existentielles de souveraineté de l’Europe. Souveraineté militaire et de défense pour garantir sa sécurité, souveraineté industrielle et technologique pour faire face aux mutations climatiques et numériques.

Cette nouvelle donne géopolitique nous met au défi d’aller plus loin en matière d’intégration et de coordination politique, industrielle, énergétique, financière, fiscale. Contrairement aux fausses promesses des discours nationalistes, c’est dans et par l’Union européenne que nous réussirons à préserver notre modèle de société, notre prospérité, notre modèle social, et nos valeurs démocratiques.

Pour une Europe forte face aux défis à relever

La réponse de l’Europe face aux défis économiques et climatiques, mais aussi face à la pression externe comme celle posée par Trump et les États-Unis, nécessite la participation des partenaires sociaux pour soutenir la réindustrialisation et consolider l’économie, notamment via la demande interne. Cela implique de promouvoir des emplois de qualité, de renforcer le pouvoir d’achat et de garantir les moyens nécessaires aux transformations des secteurs productifs d’avenir.

La sécurité économique est aussi impactée

La Commission européenne a d’ores et déjà annoncé l’application de contre-mesures vis-à-vis des États-Unis à partir du 1er avril. Ces réponses communes pourraient entraîner des avancées dans l’intégration européenne, notamment en termes d’autonomie stratégique sur les plans économique et politique. Elles sont nécessaires en raison de l’instabilité géopolitique et de la guerre commerciale de l’administration Trump qui impactent le monde entier.

Pour sa sécurité, l’Europe ne peut pas se passer pour l’instant des États-Unis. Il faudra du temps pour bâtir une Europe de la défense. Cette nouvelle défense européenne doit se créer sans recul sur les investissements d’avenir ou les dépenses sociales des États membres.

Propos recueillis par Denis Ritzenthaler