UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

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Regards historiques sur l’hygiène


« Lavez-vous les mains ! » Cette injonction répétée à l’envi comme geste barrière contre la transmission de la Covid apparaît à tous comme un geste d’hygiène et pas seulement de propreté.

Hygié, dans la mythologie grecque, est la déesse de la santé, et son père est Asclépios, le dieu guérisseur. Hygié prévient les maladies pour éviter à son père d’intervenir. L’hygiène est donc l’ensemble des mesures de prévention pour conserver la santé et éviter d’avoir affaire à la médecine. Être propre, c’est éliminer la crasse, les salissures. La propreté est essentiellement visuelle et accessoirement olfactive ! Le concept d’hygiène, s’il englobe la notion de propreté comme préalable, est beaucoup plus large. Il faut attendre la découverte des micro-organismes par Pasteur pour qu’apparaisse la notion d’hygiène comme l’ensemble des mesures rationnelles de précaution contre la propagation des maladies.

Un précurseur

Ignace Semmelweis (1818-1865) est un médecin hongrois qui exerce dans un service obstétrical de Vienne. Or il observe que, dans les deux pavillons où se déroulent les accouchements, la mortalité des parturientes est très différente. Dans le pavillon réservé aux femmes de la haute société, dirigé par les médecins, et où sont formés les étudiants, la mortalité est importante, selon les semaines de 10 à 40 % ! Au contraire, dans le pavillon réservé aux femmes du peuple où exercent des sages-femmes, sans médecins, la mortalité tombe à 3 %. Semmelweis soupçonne les médecins d’être les vecteurs de ces fièvres puerpérales mortelles. En effet, ils pratiquent des autopsies, des dissections et vont ensuite examiner ou accoucher les jeunes femmes. Il exige un lavage scrupuleux des mains au chlorure de chaux (un désinfectant puissant). Résultat immédiat : la mortalité chute spectaculairement. Mais il est combattu par plusieurs médecins qui se sentent calomniés, d’autant qu’il les traite volontiers d’assassins ! Rejeté, incompris, il meurt à 47 ans dans un asile psychiatrique. Semmelweis avait découvert l’action de ce qu’il avait appelé « des particules cadavériques invisibles », mais il ne sera réhabilité qu’avec les travaux de Pasteur.

L’hygiène par l’école

Dès Napoléon III, Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique de 1863 à 1869, cherche grâce à l’école à développer des pratiques de prévention de la santé. Il introduit pour la première fois le terme d’« hygiène scolaire ». Il lutte contre l’incurie corporelle, développe la salubrité des bâtiments, institue la gymnastique. Mais c’est sous la IIIe République que l’école va devenir le terrain privilégié des politiques sanitaires par des textes de plus en plus prescriptifs et transmetteurs de pratiques : propreté du corps, lutte contre l’alcoolisme et la tuberculose, bienfaits de la vaccination. En 1878, le médecin Aimé Riant donne une conférence sur l’hygiène à la Sorbonne et il s’adresse aux instituteurs en ces termes : « C’est de vous qu’il dépend, Messieurs les Instituteurs, si vous êtes bien pénétrés de l’utilité de cet enseignement, de le vulgariser dans nos communes, dans les familles auprès desquelles vous avez tant d’influence… » Par l’école, désormais gratuite et ouverte à tous, va s’instaurer une transformation culturelle des familles. L’instituteur, l’institutrice deviennent des modèles et des vecteurs de nouveaux comportements et les inspecteurs d’académie leur rappellent continuellement qu’ils doivent être les propagandistes du culte de l’hygiène.
Ainsi, à la suite de la révolution pastorienne, va peu à peu se mettre en place, en France, une prévention organisée et institutionnelle pour favoriser l’hygiène, et c’est à partir de cette période que l’État devient prescripteur et promoteur des pratiques sanitaires.

Françoise Berniguet

Un geste barrière essentiel.
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