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Retour sur une autre guerre de Crimée


Rue de Crimée, boulevard de Sébastopol, rue d’Odessa, Malakoff… Beaucoup de villes françaises ont des rues, des places dont le toponyme résonne douloureusement dans tous les médias en cette année 2022. Et pourtant, toutes ces désignations datent du milieu du XIXe siècle et font référence à la guerre de Crimée qui a ravagé cette péninsule entre 1854 et 1856.

La guerre de Crimée va opposer la Russie à une coalition de pays parmi lesquels la France va jouer un rôle primordial. Le conflit a un substrat politico-religieux. Un accord de deux siècles avec le sultan ottoman donne à la France catholique la protection des lieux saints, or la Russie orthodoxe cherche à l’évincer pour prendre sa place. De plus le tsar se déclare le protecteur de tous les Slaves orthodoxes de l’Empire ottoman, ce que le sultan ne peut accepter.

Mais le conflit devient géostratégique quand la Russie envahit deux provinces ottomanes qui bordent la mer Noire, mer qui deviendrait ainsi un lac russe. C’est le casus belli. Trois pays vont s’allier contre la Russie : l’Empire ottoman que la Russie cherche à démembrer par cette invasion, l’Angleterre de la reine Victoria, grande puissance maritime qui veut continuer de contrôler les mers, et la France de Napoléon III par calcul diplomatique pour asseoir sa position en Europe. La Sardaigne se joindra à l’alliance.

Un conflit très violent

Les forces engagées sont gigantesques, plus d’un million d’hommes côté russe car le tsar Nicolas 1er parle de « guerre sainte ». Les soldats de l’alliance seront un peu moins nombreux mais la France, très impliquée, envoie 310 000 soldats. Les combats se déroulent d’abord dans les provinces occupées illégitimement par les Russes puis se déplacent en Crimée pour l’attaque de Sébastopol, base de la puissance maritime russe en mer Noire. Une armée franco-anglaise repousse l’armée du tsar sur le bord de la rivière Alma. Sur le pont parisien du même nom, figure une statue de zouave, bataillon dont l’héroïsme a permis la victoire dans cette bataille. Puis les cobelligérants mettent le siège devant Sébastopol.

C’est une interminable guerre de tranchées qui dure des mois. Les assiégeants sont décimés par les combats, le froid et la maladie, le choléra et le typhus font des ravages. Finalement, le bastion de Malakoff, clef de la défense, est conquis et les Russes évacuent la ville. Cette défaite russe conduit le tsar à la table des négociations. Mais le prix de la guerre est énorme : 500 000 soldats morts côté russe, 250 000 pour les alliés dont 100 000 Français, des milliers de morts civils et des régions entières dévastées. Ce conflit annonce les guerres du XXe siècle et ses hécatombes humaines avec l’utilisation nouvelle d’armes redoutables : fusils perfectionnés, obus, mines, cuirassés, torpilles.

Conséquences

La guerre de Crimée va être à l’origine d’une avancée humanitaire. Une infirmière anglaise, Florence Nightingale, est effrayée par l’incurie des hôpitaux militaires où l’on meurt plus de maladies que des blessures. Elle joue un rôle décisif dans l’amélioration des soins et de l’hygiène et ses recommandations sont reprises par la suite dans le monde entier.

Sur le plan politique, le traité de Paris qui scelle la défaite de la Russie est l’amorce de nouveaux rapports de force en Europe. La France, qui a restauré son prestige international, est désormais non plus ennemie mais alliée de l’Angleterre. Les provinces qui avaient été envahies par les Russes vont s’acheminer vers l’indépendance et, sous l’égide de la France, le principe des nationalités progresse.
Ainsi par ses enjeux géopolitiques et identitaires, la guerre de Crimée, événement central du XIXe siècle s’inscrit, dans une réflexion d’actualité.

Françoise Berniguet

La prise de Sébastopol, après onze mois de siège, acte le début de la défaite russe.
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