UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Notre activité


Taxer l’héritage pour réduire l’accroissement des inégalités de patrimoine


Selon de nombreux économistes, les inégalités patrimoniales fondées sur la naissance sont devenues beaucoup plus élevées que celles observées pour les revenus du travail. Et pourtant, l’impôt sur l’héritage est mal accepté par l’opinion publique en raison d’une information erronée.

L’héritage est une vieille histoire. La Révolution française, au nom de l’égalité, a supprimé le droit d’aînesse qui conférait au premier enfant mâle la totalité de l’héritage du père. Dans le Code civil Napoléon, tous les enfants deviennent des héritiers « sans distinction de sexe, ni de primogéniture ». Ce partage égalitaire entre frères et sœurs a continué à faire débat tout au long du XIXe siècle mais il n’a pas été remis en cause.

Les patrimoines évoluent au fil des conflits mondiaux et des crises économiques

Un autre débat apparaît alors, celui de l’égalité des citoyens face à l’héritage et non plus seulement entre enfants. En effet, jusqu’à la Première Guerre mondiale, en raison des richesses créées par la révolution industrielle, une société d’héritiers s’est constituée : 80 % du patrimoine total des Français sont hérités, contre 20 % constitués par les revenus du travail. Au cours du XXe siècle, jusqu’aux années 1970, on assiste à un recul des inégalités patrimoniales.

Or, selon les économistes du Conseil d’analyse économique (CAE), « la concentration du patrimoine augmente significativement depuis une trentaine d’années ». La fortune héritée représente aujourd’hui 60 % du patrimoine total contre 35 % en moyenne au début des années 1970.

Selon leurs calculs, 50 % des individus auront hérité de moins de 70 000 euros de patrimoine (dont beaucoup rien) ; 10 % plus de 500 000 euros ; 1 % plus de 4,2 millions d’euros ; 0,1 % plus de 13 millions d’euros. Ils en concluent que « l’héritage moyen des 0,1 % représente donc environ 180 fois l’héritage médian ». Par comparaison, le ratio entre les revenus du travail moyens des 0,1 % les mieux rémunérés et les revenus du travail médians dépasse à peine 10. Presque comme au XIXe siècle, on devient riche beaucoup plus par la naissance que par le travail.

80% des Français hostiles à l’impôt sur les successions

Plus de 80% des successions ne donnent lieu à aucun impôt. Lors d’une succession, les héritiers acquittent des frais de notaire qui comprennent les émoluments du notaire et certaines taxes. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il s’agit des impôts sur la succession, mais il n’en est rien. Pourtant, quand on interroge les Français, ils manifestent à plus de 80% leur opposition à l’imposition des héritages. D’autre part, ils surestiment le taux d’imposition des classes moyennes et les taux réels payés. S’ils peuvent paraître importants, de nombreuses niches fiscales en diminuent le poids (abattements sur les donations et l’héritage, assurance-vie exonérées, etc.).

Enfin, nos compatriotes sont soumis à ce que les économistes du CAE appellent un « dilemme moral » selon qu’ils se placent du côté des enfants ou du côté des parents. En effet, très peu souhaitent que les enfants s’enrichissent du fait de leur naissance mais la majorité des parents ne veulent pas voir leurs transmissions taxées. Afin de lutter contre ces inégalités, la CFDT revendique une plus grande progressivité du barème de l’imposition des successions afin de taxer plus fortement les plus gros héritages.

Les abattements entre parents, enfants et petits-enfants

Lors d’une succession, l’abattement est de 100 000 € pour chacun des deux parents et pour chaque enfant. Pour une famille de trois enfants, les abattements maximum sont donc de 600 000€. Le conjoint survivant reçoit une partie des biens (en usufruit ou en propriété), après partage avec les enfants, sans payer un centime aux impôts.

Pour les donations, l’abattement est de 100 000 €. Il s’applique en une seule ou en plusieurs fois tous les 15 ans. Les donations consenties aux petits-enfants bénéficient d’un abattement de 31 865 €, et celles aux arrière-petits-enfants de 5 310 €.

Ces abattements peuvent se cumuler entre eux : un enfant peut recevoir 200 000 € (100 000 x 2) de ses deux parents et 127 460 € (31 865 x 4) de ses quatre grands-parents tous les 15 ans sans aucun impôt à payer. Dans ce cas, pour une famille de trois enfants, les abattements peuvent atteindre 982 380 €. En plus, tous les 15 ans, chaque parent peut donner à chaque enfant majeur une somme d’argent exonérée à hauteur de 31 865 €.

François Jabœuf

Lecture : deux enfants héritent de leurs parents un bien d’une valeur de 360 000 euros, soit 180 000 chacun. Comme ils bénéficent chacun d’un abattement de 200 000 euros, il n’auront aucun droit de succession à payer.
Trois enfants héritent de leurs parents un bien de 900 000 euros, soit 300 000 chacun. Comme chacun bénéficie d’un abattement de 200 000 euros, ils paieront des droits de successions uniquement sur 100 000 euros soit : 5 % jusqu’à 8 072 euros, 10% de 8 073 à 12 109 euros, 15% de 12 110 euros à 15 932 euros et 20% de 15 933 jusqu’à 100 000 euros.