Europe égale paix, démocratie et force
Trois fondamentaux façonnent l’identité de l’Union européenne
La paix : celle-ci semble au plus grand nombre aujourd’hui acquise, voire dépassée. Pourtant, les derniers deux conflits mondiaux que l’on va commémorer, d’une manière ou d’une autre cette année, sont là pour rappeler que la paix n’est jamais acquise définitivement. La situation dramatique en Ukraine, et plus largement dans la région des Balkans, est là pour nous le rappeler.
La démocratie : ce n’est pas rien de disposer d’un espace fondé sur le droit, la charte des droits fondamentaux, le dialogue entre pays. Il faut bien que l’Europe représente un espoir pour que, successivement, les pays soumis à des régimes autoritaires aient voulu la rejoindre : la Grèce (1981) ; l’Espagne et le Portugal (1986) puis la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie avec Chypre et Malte (2004), voilà 10 ans le 1er mai, la Roumanie et la Hongrie (2007), la Croatie (2013). La stabilité du cadre européen et le couple franco-allemand ont facilité la réunification de l’Allemagne (3 octobre 1990). Et l’on observe actuellement qu’une grande partie de la population de l’Ukraine souhaite un rapprochement avec l’UE plutôt qu’avec la Russie. Des femmes et des hommes sont morts pour leur combat européen. Incroyable en 2014 ! Avec si peu de réaction de la société civile organisée…
La taille : au temps de la mondialisation, l’effet « taille » doit être pris en compte pour concourir dans le monde actuel fait de compétition et d’ouverture économique : l’UE à 28 comprend un peu plus de 500 millions d’habitants. Mais la Chine, deuxième puissance économique mondiale, compte 1 milliard 350 millions d’habitants. Et l’Inde guère moins : 1 milliard 225.
Tout n’est pas parfait dans l’UE d’aujourd’hui. Nous sommes dans une « Europe compliquée », mais les fondamentaux que sont la paix, la démocratie, la taille indispensable sont à rappeler, pour ne pas se prêter au jeu du « plus pessimiste que moi tu meurs » !
Les compétences du Parlement européen
Le Parlement européen (PE) est un des piliers institutionnels formés avec le Conseil européen et la Commission européenne. Cet ensemble fonde l’originalité de cette construction toujours en devenir. La crise a entraîné un déséquilibre dans ce trépied et attribué une prédominance au Conseil européen, en renforçant la dimension intergouvernementale avec les blocages qui s’ensuivent.
Un des enjeux de cette élection au PE, seule institution européenne dont les membres sont élus au suffrage universel direct depuis 1979, est de rééquilibrer cet ensemble en lui redonnant du souffle démocratique.
Le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007 et entré en vigueur le 1er décembre 2009, prévoit un renforcement des compétences du PE, lequel dispose de trois sortes de pouvoirs :
– législatif : le PE est « co-législateur » dans 82 domaines ;
– budgétaire : le PE a un pouvoir égal à celui du Conseil. Il peut rejeter l’ensemble du budget à la majorité. Il a par ailleurs un pouvoir de négociation avec le Conseil concernant le « cadre financier pluriannuel », lequel doit être approuvé lui aussi à la majorité ;
– contrôle : le PE élit le président de la Commission européenne en tenant compte désormais du résultat des élections européennes et approuve – ou non – la nomination des 27 autres commissaires.
Voter le 25 mai, c’est indirectement participer à l’élection du président de la Commission européenne. Le PE a un pouvoir de censure de la Commission européenne et un pouvoir de contrôle sur la PESC (politique étrangère et de sécurité commune), ainsi qu’un droit d’information sur la négociation des traités internationaux.
Pour effectuer son travail, le PE dispose d’un siège (Strasbourg), de groupes politiques (dans la 7e législature de 2009-2014, il y en a huit) et de plus d’une vingtaine de commissions permanentes et de commissions spéciales.
Il convient de souligner que sur les 766 parlementaires européens actuels, 276 sont des femmes (34 sur 74 pour la France).
Les risques de cette élection au Parlement européen
L’élection du futur Parlement européen n’est pas sans risques. Nous en avons identifié trois : l’abstention, une opinion insuffisamment réceptive à l’idée européenne, la montée des populismes.
– L’abstention : l’abstention à cette élection n’a cessé de progresser au cours des différents scrutins : 39,3 % (1979) ; 43,3 % (1984) ; 51,2 % (1989) ; 47,3 % (1994) ; 53,2 % (1999) ; 57,2 % (2004) et 59,4 % (2009). Cet éloignement du citoyen-électeur est un « poison démocratique » mortel pour l’idée d’Europe. Il faut tout faire pour enrayer ce mouvement et susciter à nouveau l’intérêt pour l’Europe.
– Une opinion peu réceptive à l’idée européenne : un sondage ne fait pas le printemps ou plutôt l’hiver, mais celui paru dans Le Monde du 22 janvier 2014 est inquiétant lorsqu’il indique qu’ « une courte majorité de personnes interrogées (45 % contre 40 %) considère que l’appartenance de la France à l’UE est une bonne chose ». C’est peu, très peu. Ou bien encore quand 33 % souhaitent abandonner l’euro et revenir au franc : c’est beaucoup ! Il y a dans ces pourcentages un véritable déficit d’explication.
– La montée des nationalistes et des « eurosceptiques » : il s’agit là d’un aspect très inquiétant. Cela est vrai en France avec la droite extrême et la gauche extrême. Mais c’est aussi vrai en Allemagne (AFD : Allemagne pour l’alternative), au Danemark (« parti du progrès »), en Finlande (« Les vrais Finlandais »), en Grèce (« Aube dorée »), au Royaume-Uni (UKIP : parti pour l’indépendance du Royaume-Uni), en Hongrie (« Jobbik »), en Italie (« Le mouvement 5 étoiles »), aux Pays-Bas (« Partie pour la liberté »), en Pologne (« Droit et Justice »)…
La poussée nationaliste, extrémiste, anti-Europe, si elle n’est pas identique dans tous les pays, est réelle et constitue une vraie menace. Le nationalisme n’a jamais fait bon ménage avec l’Europe. « Le nationalisme, c’est la guerre », proclamait François Mitterrand lors de son dernier grand discours devant le Parlement européen en décembre 1994.
Certains gouvernements ont eu tendance à jeter de l’huile sur le feu, qu’il s’agisse de la République tchèque avec son Président Vaclav Klaus, du Premier ministre de Hongrie Victor Orban ou encore du Premier ministre britannique David Cameron, qui s’est engagé dans une voie périlleuse promettant un référendum sur le maintien du pays dans l’UE après les élections générales prévues en 2015 et au plus tard en 2017.
À cela, il faut encore ajouter des poussées régionalistes qui, tout en étant d’une autre nature, constituent des facteurs d’incertitudes, qu’il s’agisse de la Catalogne en Espagne, de la Flandre en Belgique, de l’Écosse au Royaume-Uni ou encore de l’Italie du Nord.
Pour la CFDT, il est important que le projet européen ne soit pas dévoyé par des nationalismes toujours agressifs, réducteurs, porteurs de repli et de régression économique et sociale. Le projet européen mérite d’être aménagé, réorienté, défendu. Il s’agit là « d’une juste cause » ! Et les élections européennes sont la bonne occasion pour défendre les idées de paix, de coopération, de dialogue entre les différents acteurs et de progrès social. Ne laissons pas passer cette chance !
Jean-Pierre Bobichon et Jean-Pierre Moussy