La vente à la découpe des Ehpad
Fin février 2024, des résidents en Ehpad alertent la CFDT Retraités de Haute-Garonne-Ariège de la fermeture de plusieurs équipements de la région Occitanie, mis en liquidation judiciaire. Stupéfaction et incompréhension. Sur toute la France, les établissements Médicharme vont être revendus pour 1 euro.
Neuf ans après sa création, cette entreprise, qui s’est développée par la vente des chambres à des investisseurs ou des particuliers, a été déclarée en faillite. 43 établissements sont concernés dont 34 Ehpad, 7 résidences services seniors, soit 2 011 lits, 1 230 salariés.
La CFDT Retraités se mobilise et alerte les responsables santé du conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA), les députés du département, les autorités administratives de santé.
La mobilisation de la CFDT
En mars 2024, la rencontre CFDT avec le député de l’Ariège confirme, faute de reprise en avril, que les établissements fermeront, le personnel sera licencié, les personnes âgées perdront leur place en Ehpad, et ceux qui ont investi dans l’achat de leur chambre leur bien et la défiscalisation qui va avec.
Après plusieurs actions de mobilisation, le jugement est rendu le 4 avril 2024. Fin du suspense : 42 établissements sur 43 ont trouvé des repreneurs. Plusieurs groupes commerciaux dont Domidep, Edenis et certains Ehpad publics acceptent de reprendre la gestion immédiate des établissements au prix de plusieurs licenciements (80 sur 1 280 salariés).
[Danielle Rived et Alain Cros
Les dérives du système
Comment un organisme privé lucratif peut passer d’un Ehpad, avec des lits médicalisés, dépendant du quota de l’agence régionale de santé, à une « boîte commerciale » qui dépend du registre du Commerce.
Mode d’emploi :
1. Achat légal d’un Ehpad avec garanties du fonctionnement (règles de gestion ARS et département).
2. Sans modification de la structure, vente de chaque chambre à la personne vieillissante qui devient propriétaire d’un bien valorisé : la personne touche annuellement une somme avec des intérêts qui est soi-disant une garantie de son investissement dans la structure Ehpad Médicharme.
3. En cas de difficultés financières, Médicharme a le droit de négocier une procédure de « revente spéciale » qui n’est pas publique, et le juge nomme un liquidateur largement rémunéré qui statue sur la reprise ou la disparition pure et simple de l’Ehpad.On passe d’un système réglementaire d’accueil avec prise en charge, soins, bientraitance, à un système capitalistique total de multipropriété sans plus de contrôle de l’ARS, du département ni d’aucuns acteurs publics en charge du secteur vieillesse.
L’enquête conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales
Ces deux structures sont chargées, fin mars 2024, d’examiner les pratiques commerciale, financière et managériale, ainsi que le temps de présence effectif des personnels.
Le rapport recommande de mettre fin à la vente à la découpe dans les Ehpad, qui présente deux dangers :
– financier pour le gestionnaire de l’Ehpad et le particulier investisseur ;
– humain pour la perte de domicile de la personne âgée.Le gouvernement confirme avoir une vigilance accrue sur les Ehpad gérés par des groupes privés lucratifs. La recommandation de mettre fin à la vente à la découpe sera-t-elle inscrite dans la loi bien vieillir ?
Pour en savoir plus
Le rapport de l’Igas : Contrôle de l’activité du groupe Medicharme