UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Notre activité


1914-1918 : fusillés pour l’exemple


Un siècle après le début de la Grande Guerre, de nombreux sujets sont abordés du bout des lèvres, notamment concernant les choix stratégiques qui ont mené à des sacrifices inutiles des centaines de milliers de poilus. Désemparés par l’horreur de la guerre, par l’incompréhension de certaines décisions militaires, meurtris dans leur chair et leur esprit, des soldats ont craqué ou se sont révoltés. Nombre d’entre eux ont été alors condamnés, puis exécutés sommairement. Ils seront les « fusillés pour l’exemple ».

Dès les premiers jours, le conflit tourne au massacre. Par peur que ne se reproduise la débâcle de 1870, les responsables militaires, face au risque d’enveloppement par les troupes allemandes, font le choix d’une offensive à outrance, sans se soucier du prix humain à payer. Résultat : les trois premiers mois seront parmi les plus meurtriers pour l’armée française. Les combats d’août à septembre 1914 feront 330 000 tués, auxquels s’ajoute la multitude des blessés, souvent grièvement, dont beaucoup sortiront défigurés et mutilés. Après l’euphorie du départ au son de chants patriotiques, le choc est brutal. Le doute s’installe dans les esprits.

Face à l’enfer

La peur aussi, car les combattants se trouvent pris sous des déluges de bombes et des tirs de plus en plus nourris de l’ennemi. Ils voient tomber des milliers de morts à leurs côtés. Les temps de répit sont rares et l’inquiétude monte, comme l’attestent les lettres de soldats à leurs proches. Pris dans une telle tourmente, nombre de soldats perdent pied. Dans un premier temps, les gestes d’abandon seront d’ordre individuel. Vers la fin de la guerre, le désespoir se transformera en vent de révolte sous forme de mutineries collectives.

L’état-major militaire, qui sent la situation lui échapper, va très vite prendre les choses en main. Profitant d’une classe politique démissionnant de ses responsabilités, il va s’engager dans une répression radicale pour empêcher, selon ses dires, toute « épidémie ». Ainsi dès septembre 1914, il ouvre la porte aux exécutions sommaires. Le général Joffre indique clairement que « les fuyards, s’il s’en trouve, seront pourchassés et passés par les armes ». Dès lors, tous les motifs seront bons – vérifiés ou pas – pour constater, juger, condamner toute attitude suspecte. Et les motifs de poursuite se multiplieront : refus d’obéissance, abandon de poste, délit de lâcheté, désertion, mutilations estimées volontaires…

Pris dans une telle tourmente, nombre de soldats perdent pieds.

Une France particulièrement répressive

Si l’Italie a l’attitude la plus sévère vis-à-vis de ses « déserteurs » et exécute 750 de ses combattants, la France arrive immédiatement après, avec une estimation de 600 fusillés pour 2 400 condamnations à mort. Le Royaume-Uni en fusille pour sa part 306. L’Allemagne, quant à elle, procède à 48 exécutions. Rare exception dans ce bilan, l’Australie refuse le principe de ces condamnations, estimant que ses mobilisés étaient des volontaires.

Après trois années de guerre, le refus d’aller au massacre va prendre une tournure plus organisée. En 1917, une grande offensive lancée par le général Nivelle au Chemin des Dames tourne à un nouvel échec. La désespérance des hommes est telle que s’organisent rapidement des mouvements collectifs de protestation qui se transforment en mutineries elles aussi sévèrement punies.

Après la fin du conflit, l’étude des dossiers montrera que les procès menés contre les fusillés l’ont été pour l’essentiel dans le plus grand arbitraire : droits à la défense bafoués, décisions expéditives, absence de recours en grâce… Sous la houlette de la Ligue des droits de l’homme, plusieurs campagnes de réhabilitation seront engagées dès les années 20, aboutissant à une quarantaine de réhabilitations individuelles. Le dossier est cependant loin d’être clos. Un rapport commandé à la Mission du centenaire par le président de la République propose une palette de mesures pour trouver une issue à la situation actuelle. D’où l’espoir de voir rétablir dans leur honneur des hommes injustement exécutés.

Jean-Paul Rueff