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Anne Goffard, virologue : « Il faut s’attendre et se préparer à une deuxième vague »


Virologue au CHRU de Lille et au sein de l’Institut Pasteur de Lille, la médecin Anne Goffard donne son éclairage sur l’émergence du Covid-19 et explique pourquoi la sortie du confinement va être complexe.

– On s’interroge beaucoup sur la fin du confinement. Le virus peut-il "disparaître" ?

« C’est compliqué de savoir ce que ça va donner à la fin. Déjà, parce que c’est la première fois qu’on vit une telle pandémie à l’échelle du XXIe siècle. Là, je vais vous donner un avis personnel, de virologue.
Je pense que le virus va progressivement être intégré aux virus de la population humaine. Il va probablement se diffuser dans la population mondiale qui, petit à petit, va constituer une immunité collective en s’infectant, ou grâce à un vaccin. Quand un certain pourcentage (on pense environ 70 %) sera protégé, le virus va arrêter ou diminuer sa dynamique de circulation. C’est aussi pour cela qu’il est très important de trouver un vaccin pour augmenter l’immunité collective. »

– On parle beaucoup d’une possible deuxième vague. Qu’en est-il ?

« Les épidémiologistes, qui modélisent la dynamique de l’épidémie, nous disent effectivement qu’il va y avoir une deuxième vague. La question, c’est : quand ? Ils expliquent que la sortie échelonnée du confinement, l’accès massif aux tests, peuvent être des éléments qui peuvent la retarder.
C’est important qu’elle arrive le plus tard possible pour que la recherche (vaccin, médicaments) ait le temps d’avancer mais aussi pour que les services de soins puissent encaisser la vague en cours, puis se reposer et se réorganiser.
Mais oui, il faut s’attendre et se préparer à une deuxième vague. C’est pourquoi la sortie du confinement ne va pas être simple, il faudra bien suivre les recommandations des experts. »

– L’émergence d’un tel virus, était-ce inattendu pour le monde scientifique ?

« C’était inattendu dans le sens où on ne sait pas quand ça va arriver, mais c’était attendu car les mécanismes d’émergence des virus chez les humains sont étudiés depuis longtemps. On sait que les coronavirus, très présents chez les animaux notamment chez les mammifères, peuvent infecter les humains par ce qu’on appelle les franchissements de barrière d’espèces. Or, un des facteurs qui favorise cette émergence, c’est lorsque des humains vont empiéter sur les territoires des animaux. C’est par exemple la déforestation, la consommation d’animaux sauvages, utiliser des animaux sauvages pour les domestiquer… Et on sait que les comportements humains de ce type se développent. Donc oui, on s’y attendait. »

– D’autres virus de ce type pourraient donc survenir ?

« Malheureusement, il faut comprendre que tout ce qui impacte le dérèglement écologique a aussi des conséquences sanitaires, avec l’émergence de pathogènes animaux. On est en train de le vivre. Sauf un sursaut politique dans le respect de la vie animale et de la vie sauvage pour les éviter au maximum, il y en aura d’autres et il faudra s’y préparer, de toute façon. »

Anne Goffard est médecin et virologue, au sein du CHRU de Lille et professeur d’université. Elle travaille actuellement au sein du laboratoire de virologie de Pasteur de Lille, pour tenter d’identifier des médicaments contre le coronavirus.

Source : La Voix du Nord du 13 avril 2020.