Bilan et perspectives de l’Union européenne pour l’après Covid-19
Il est de bon ton de s’en prendre à l’Europe pour assimiler ses institutions à une bureaucratie incapable de prendre dans l’urgence des décisions. Ces jugements ignorent le cadre (les traités) et les limites (compétences et budget) qui gouvernent l’action des institutions européennes.
Les compétences sanitaires de l’UE sont limitées
L’action des institutions européennes repose sur une légitimité démocratique, un budget limité qui ne dépasse guère 1 % du PIB de l’UE, et des compétences réparties en trois domaines : les compétences exclusives, les compétences partagées et les compétences d’appui dont la santé.
Pour autant, un certain nombre de décisions en matière de santé ont été prises. L’Agence européenne des médicaments apporte son concours pour combattre la propagation du virus et la recherche sur les vaccins est soutenue financièrement.
La solidarité européenne a agi de manière concrète : l’Allemagne, la Pologne, la Roumanie ont envoyé des équipes de médecins pour aider dans les hôpitaux du nord et du sud de l’Italie, l’Autriche, la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg ont accueilli dans leurs unités de soins intensifs des patients néerlandais, français et italiens.
Les décisions économiques et monétaires
Les prévisions économiques sont marquées par une grande morosité. La Commission européenne, en mai, prévoyait pour 2020 une contraction record de 7,75 % sur le plan de la zone euro et de 7,5 % pour l’ensemble de l’UE. Le choc économique et social va être brutal.
Des mesures exceptionnelles ont été prises. Le régime des aides d’État a été assoupli, ainsi que les règles concernant la discipline budgétaire (déficit et dette publique) ou encore des règles prudentielles des banques. Concernant les dispositifs monétaires, les rachats d’actifs ont été actés pour un montant de 750 milliards.
Les « fonds structurels » ont été redéployés vers les dépenses liées au Covid-19 pour 37 milliards.
Des dispositifs financiers exceptionnels ont été mis en place. L’Eurogroupe du 9 avril a annoncé une enveloppe de 500 milliards : 100 milliards pour aider les États membres à faire face à la hausse du chômage, la création d’une garantie de prêts de 200 milliards par la Banque européenne d’investissement en particulier pour les PME, la mise en place, dans le cadre du « Mécanisme européen de stabilité » d’un montant équivalent à 2 % du PIB des États membres, soit près de 240 milliards.
Ces sommes considérables ne seront pas suffisantes. D’où l’initiative franco-allemande du 18 mai qui propose de créer un fonds de 500 milliards pour des dépenses liées au Covid. Dans le prolongement, le 27 mai, la Commission européenne a proposé, en vue du Conseil européen de fin juin, un « plan de relance » de 750 milliards alimenté par des fonds empruntés sur les marchés financiers, répartis entre prêts et subventions. Ils seront intégrés au budget européen, affectés aux pays les plus impactés par le Covid, appuyés sur des ressources propres (taxes sur le digital, les déchets plastiques...).
Quelles suites ?
L’incertitude est le maître mot de cette période : incertitude sur la résolution de la pandémie, incertitude sur l’ampleur de la crise économique et sociale. Cette incertitude est aggravée par un contexte international conflictuel à l’exception de deux domaines : les scientifiques et les banques centrales dont les liens sont demeurés solides.
Cette crise, sanitaire et économique, est grave. Il faut retrouver vite de l’humain, de la perspective, des solutions qui permettent d’approfondir notre « vivre ensemble ».
Jean-Pierre Moussy
Une évolution copernicienne pour l’UE
Les chefs d’État et de gouvernement européens ont adopté, le 21 juillet, le plan de relance, un dispositif inédit, qui ébauche les contours d’une Europe plus fédérale, plus solidaire et plus intégrée.