UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Action internationale


Faim et pauvreté dans le monde : plus d’excuse


A l'échelle de la planète, les inégalités perdurent et la crise économique actuelle va les aggraver. Les moyens ne manquent pas. Mais une volonté politique plus résolue est nécessaire pour les mobiliser.

Septembre 2000, lors de la Conférence du Millénaire à New-York, les gouvernements du monde entier réaffirment leur détermination à « chercher à assurer, dans tous les pays, la promotion et la protection intégrale des droits civils et des droits politiques, économiques, sociaux et culturels de chacun ». Ils s’engagent à « faire du droit au développement une réalité pour tous » et se donnent jusqu’en 2015 pour franchir une première étape : la réduction de la moitié de la grande pauvreté et de la faim dans le monde, l’accès de tous à l’éducation primaire, la réduction des deux tiers de la mortalité infantile et l’arrêt de la propagation du sida. À mi-parcours, nous en sommes loin. Au rythme actuel, pour l’Afrique subsaharienne, ce sera au mieux pour 2147.

Un retard inquiétant

Commençons par une rapide évaluation des huit objectifs fixés par la Conférence du Millénaire.

1. Pauvreté : les émeutes de la faim. Le seuil de pauvreté moyen [1] est établi à 1,25 dollar par jour dans les vingt pays les moins développés. Sur cette base, entre 1981 et 2005, le nombre de pauvres dans le monde a diminué de 500 millions. Leur nombre est désormais estimé à 1,4 milliard de personnes. Mais cinquante-quatre pays sont aujourd’hui plus pauvres qu’en 1990.

Toutes les régions n’ont en effet pas bénéficié de l’embellie. L’Afrique subsaharienne a vu le nombre de ses « déshérités » [2] passer dans la même période de 200 à 350 millions de personnes. Facteur aggravant : le renchérissement des produits de base (riz, maïs, blé…). 500 millions de personnes pourraient basculer à nouveau dans la grande pauvreté.

La crise économique accentue cette tendance. Selon la FAO (organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), 933 millions de personnes souffrent de malnutrition - 75 millions de plus qu’il y un an - dont 70% de paysans. 30 milliards d’euros par an suffiraient pour assurer la sécurité alimentaire de la planète.
En 2008, trente-sept pays connaissaient des émeutes de la faim. Seule, la moitié des céréales produites dans le monde sert directement à l’alimentation humaine. Le reste est consacré à nourrir les animaux ou à un usage industriel, notamment l’énergie.

2. Éducation primaire : le yoyo des aides. Selon l’Unesco [3], en moins de dix ans, on est passé de 105 à 75 millions d’enfants non scolarisés dont 35 millions en Afrique. C’est un immense progrès.

Mais pour atteindre les objectifs fixés en 2000 il faudrait, toujours selon l’Unesco, 18 millions d’instituteurs supplémentaires (40 élèves par classe). Peu de pays ont cette capacité. Les engagements des pays développés pour l’éducation de base sont passés de 5,2 milliards de dollars en 2004 à 3,7 en 2005 avec une légère remontée en 2006. À ce rythme, l’école pour tous n’est pas pour 2015.

3. Égalité des sexes : progrès et disparité. 70 % des enfants non scolarisés sont des filles, 60% des habitants pauvres sont des femmes. L’écart de traitement entre les personnes de sexe opposé s’est toutefois globalement amélioré. De fortes disparités persistent dans les domaines économiques et surtout politiques.

4. Mortalité infantile : rien avant 2165. Tous les ans, onze millions d’enfants de moins de cinq ans meurent, suite à des maladies qui pourraient être soignées facilement. Les progrès sont quasiment nuls en Afrique subsaharienne qui n’atteindra pas l’échéance avant 2165.

5. Santé maternelle : un risque multiplié par 1750. Près de 500 000 femmes meurent en couches ou en cours de grossesse chaque année. Le risque est de 1 sur 16 pour une femme africaine, de 1 sur 160 en Amérique latine et dans les Caraïbes, de 1 sur 840 en Asie de l’Est et de 1 sur 2 800 dans les pays développés.

6. Sida : 93 % au Sud. Sur 42 millions de personnes touchées par le virus du sida, 39 millions vivent dans les pays en développement. Le sida est la quatrième cause de mortalité dans le monde, mais la première en Afrique subsaharienne.

7. Environnement durable : la pénurie de l’eau. 1,2 milliard de personnes n’ont pas un accès durable à l’eau potable. La tendance reste négative en milieu urbain. De plus, beaucoup de pays en développement vont bientôt connaître de graves pénuries d’eau.

8. Partenariat mondial : en panne. Les engagements des pays riches en 2002 d’augmenter, d’ici à 2006 de 16 milliards de dollars, l’aide au développement étaient déjà insuffisants. Ils ont pris du retard. Le Programme des Nations unies pour le développement recommande aux pays riches d’accélérer le règlement du problème de la dette des pays pauvres et la réduction des subventions agricoles qui ruinent l’agriculture des pays en développement.

Une aide en baisse pour quel développement ?

Pour Kofi Annan (ex-secrétaire général de l’ONU) « l’humanité dispose pour la première fois dans l’histoire des ressources, des connaissances et du savoir-faire nécessaires pour éliminer la pauvreté ». Encore faut-il s’en donner les moyens, en avoir la volonté politique. C’est là que le bât blesse, même s’il est des cas où l’aide permet de renforcer les sociétés civiles, le financement des systèmes judiciaires, de soutenir les personnels de santé ou d’éducation.

En 2002, les pays du Nord s’étaient donné dix ans pour porter leur contribution à 0,7 % de leur revenu national brut (RNB). Après plusieurs années de hausse, les montants ont diminué de plus de 8% en 2007 pour atteindre 103,7 milliards de dollars, soit 0,28% du RNB. En France, après un recul en 2007 (0,39% contre 0,47% en 2006) le gouvernement prévoit même une stagnation jusqu’en 2011.

Une partie de cette aide n’est pas directement affectée au financement du développement des pays du Sud. Seuls 6% de l’aide bilatérale servent à financer les besoins essentiels. Le reste est utilisé pour servir l’expansion économique, le rayonnement linguistique et culturel, à obtenir des concessions pétrolières, à se rallier des suffrages sur la scène internationale, à défendre son pré carré notamment en Afrique, à imposer des opérations de police aux frontières pour limiter les migrations clandestines.

Aide insuffisante mais aussi critique quant à son efficacité. Selon Moussa Tchangari représentant d’Alternatives Niger : « toute aide vise en réalité à accompagner les investissements et la protection des intérêts industriels du Nord ». Et pour Jean-Marc Bikoko, leader syndical camerounais, « si l’aide publique au développement s’arrêtait au Cameroun, ce ne sont pas les populations qui en souffriraient mais les dirigeants ».

Une fiscalité internationale

Un consensus existe sur la nécessité d’augmenter l’aide publique au développement. Mais les oppositions sont toujours aussi fortes sur la création d’une véritable fiscalité internationale appuyée par exemple sur la taxation des transactions financières, sur des taxes environnementales ou encore sur les ventes d’armes.

La France a pris part à une réflexion lancée en 2004 par le Président brésilien Lula. Cela a permis le lancement d’une première taxe expérimentale sur les billets d’avion en 2006 qui a dégagé 300 millions d’euros affectés à l’achat de traitements contre le sida pour les pays du Sud. D’autres mécanismes sont à l’étude. Ne manque que la volonté politique des États, et notamment des États-Unis qui, avec le Président Obama, seront peut-être plus ouverts.

La dette des pays du Sud

Les pays riches portent également une lourde responsabilité dans l’endettement des pays du Sud. Sans même parler de la corruption, les populations des pays débiteurs en assument le coût, au prix de millions de vies humaines. Le remboursement de la dette prive en effet les pays de ressources nécessaires au financement des secteurs sociaux essentiels.

Annuler la dette des pays du Sud est donc un acte de justice. Un mouvement, encore bien timide, est amorcé depuis 1996. À ce jour, vingt-trois pays ont pu en bénéficier [4]. Et dix autres ont atteint une première étape [5]. Mais l’action menée par les ONG vise un objectif autrement plus important : annuler ce qu’elles appellent « la dette odieuse attribuable aux dictateurs » [6] ayant servi à leur enrichissement et au renforcement de leur régime. Cette « dette odieuse » est estimée entre 500 et 730 milliards de dollars, pour une quarantaine de pays, soit entre 20 et 30% de la dette globale des pays du Sud.

De quelques tabous

L’aide au développement suppose également que les instances internationales s’attaquent à d’autres tabous. L’évasion fiscale organisée grâce aux intouchables paradis fiscaux présents dans plus de soixante pays verrait transiter la moitié du commerce mondial. Les actifs domiciliés s’y élèveraient à 11 000 milliards de dollars alors que ces territoires ne représentent que 3% du PIB mondial.

Autre tabou, celui de la libéralisation effrénée du commerce international, la suppression de toutes les barrières douanières et de tout ce qui peut encore freiner l’afflux des produits du Nord en direction du Sud. Cette libéralisation, à laquelle s’ajoutent les subventions accordées par le Nord à ses agriculteurs, se fait notamment au détriment de ceux du Sud.

Une remise en cause

Réduire les inégalités à l’échelle de la planète ne pourra se faire qu’au prix d’une volonté politique des gouvernants du Nord comme du Sud. Cela suppose la mobilisation des moyens financiers externes (aide publique au développement) et internes des États concernés (politique fiscale, lutte contre la corruption…).

Mais les moyens financiers ne suffisent pas. Le développement n’est possible que s’il est initié, décidé, géré et coordonné par les sociétés concernées et adapté aux réalités sociopolitiques locales. En un mot s’il est issu d’un processus démocratique. Pour cela, il faut un contexte de paix, de reconnaissance de la société civile et de ses corps intermédiaires ; l’égalité des droits notamment entre les hommes et les femmes…
Vaste programme auquel la CFDT et diverses ONG s’efforcent d’apporter leur contribution.