UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

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Femmes afghanes et iraniennes, ne les oublions pas


Quatre femmes iraniennes et afghanes, syndicalistes ou responsables associatives, sont venues témoigner de la situation des femmes dans leur pays lors d’une rencontre organisée par la CFDT le 31, mai à Belleville.

Un an exactement s’est écoulé depuis l’assassinat de Mahsa Amini par la police des mœurs iranienne. Morte à 22 ans en septembre 2022 pour un voile mal ajusté. Depuis, la population iranienne, avec un courage inouï, ne cesse de clamer son rejet du régime des mollahs. Les manifestations rythmées par le slogan « Femme, vie, liberté ? » se succèdent, les exécutions d’opposants également. « ?La police des mœurs qui surveille les femmes a été officiellement abolie en décembre dernier mais en réalité rien n’a changé ? », explique Chahla Chafiq, écrivaine et sociologue iranienne, exilée en France. « La base de la pyramide du pouvoir islamiste, c’est le sexisme, poursuit-elle, le corps des femmes est au cœur du projet politique des mollahs . »

L’écrivaine rappelle la nature mafieuse du régime et l’accaparement des richesses « par une classe sociale créée par les islamistes depuis quarante ans ». Le slogan « ?Femmes, vie, liberté ? » est devenu l’étendard d’une révolution qui secoue la société tout entière.

Mythe de la masculinité

« ?Ce serait réducteur de dire que ce mouvement est exclusivement féministe, il s’agit d’un mouvement populaire et démocratique ? », confirme Darya Djavahery-Farsi, présidente de l’association Neda d’Iran, émanation du mouvement « Femmes, vie, liberté ». « ?L’idéologie islamiste est une invention des temps modernes. Elle s’appuie sur un mythe de la masculinité, qui s’incarne dans les groupes paramilitaires ? », poursuit la jeune femme.

En Afghanistan, les talibans appliquent avec une extrême brutalité une politique inspirée par la même idéologie, inculquée depuis le plus jeune âge. « Dans les madrassahs, les garçons sont élevés par des hommes violents, les châtiments corporels et sexuels sont monnaie courante », explique Shoukria Haidar, fondatrice de l’association Negar-Soutien aux femmes d’Afghanistan. « En Afghanistan comme en Iran, on vise à travers les femmes le contrôle de la famille et de la société.? » Depuis la chute de Kaboul en août 2021 et le retour des talibans, un véritable apartheid de genre se met en place, les femmes étant progressivement exclues de toute vie sociale, privées d’école, de travail, de la possibilité de se déplacer.

Un enfer pour les femmes

« Les talibans ont transformé le pays en enfer pour les femmes, chaque jour apporte de nouveaux bannissements », constate Habiba Fakhri, responsable syndicale de Nuawe, syndicat national des travailleurs et employés afghans. Aucune activité syndicale n’est tolérée par les talibans, au risque de persécutions, voire d’être exécuté. C’est grâce à une opération d’exfiltration menée par la CFDT avec le gouvernement français que Habiba, sa famille et plusieurs autres responsables syndicaux et leurs proches ont pu quitter Kaboul en 2021 et trouver refuge en France.

Les témoignages des intervenantes sont glaçants et le tableau d’ensemble bien sombre. Et pourtant, en Iran, signe des temps, les jeunes filles non voilées dans l’espace public n’attirent même plus l’attention, raconte Darya. Au fil de la contestation une page se tourne, de façon irréversible. En Afghanistan, la résistance s’organise, des cours clandestins se sont créés, pour continuer d’assurer l’éducation des filles et fournir un petit revenu aux enseignantes. « Avant la prise du pouvoir par des talibans, nous avions 25 universités à Kaboul, 10 millions d’élèves, souligne Shoukria. Nous avons en Afghanistan toute une génération de jeunes femmes et hommes éduqués et reliés au monde entier. » Une lueur d’espoir sous la chape d’obscurantisme qui s’est abattue sur le pays.

[Marie-Nadine Eltchaninoff