UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Actu revendicative


La femme au foyer reste-t-elle la norme ?


Les faits sont têtus. Malgré les lois, la plus grande précarité du travail des femmes et la domination des hommes dans diverses sphères de pouvoir les rendent plus vulnérables. Plus de 90% des salariés à temps partiel sont des travailleuses. Le partage entre travail et famille reste difficile. Les charges familiales restent l'apanage des femmes. Mieux comprendre permet toujours de mieux agir.

Dans notre société, comme dans la plupart des pays modernes, les femmes ont gagné, parfois après de longues luttes, une égalité de droits. Droits civils avec le droit à l’instruction au XIXe siècle. Avec le droit de vote après la guerre. Avec le partage de l’autorité parentale. Avec le droit à disposer d’elles-mêmes, avec le droit à l’avortement. Et avec le droit à l’égalité professionnelle. Les lois leur ont façonné en théorie une citoyenneté égale à celle des hommes. L’accès au travail, avec à la clé l’indépendance économique, a fortement concouru à leur émancipation.

Mais les faits sont têtus. La plus grande précarité du travail des femmes et la domination des hommes dans diverses sphères de pouvoir les rendent plus vulnérables. Certes les lois sur l’égalité professionnelle proscrivent les discriminations de genre, qui restent souvent diffuses. Elles ne mesurent pas les effets des contraintes organisationnelles pesant sur les femmes pour concilier vie professionnelle et vie familiale. De plus, les femmes ne se sentent pas toujours légitimes à faire valoir leurs droits. Le contexte sociétal avec la persistance de ses schémas culturels traditionnels n’y sont pas étrangers.

Des normes culturelles plombent l’activité des femmes

Traditionnellement, dans la famille, des droits et devoirs différents sont attribués en raison du genre. Les arguments traditionnalistes comme « les mères sont plus aptes à s’occuper des jeunes enfants que les pères » entretiennent cette vision du rôle différencié des deux parents. De nos jours, force est de constater que les charges familiales restent l’apanage des femmes. Et elles pèsent sur leur activité. La situation familiale influence beaucoup plus la présence des femmes sur le marché du travail que celle des hommes.

A l’inverse des hommes, les femmes seules sont les plus « actives » tandis les femmes avec des enfants sont les moins « actives ». Et le taux d’activité est nettement plus faible pour les mères de famille nombreuse, surtout si l’un des enfants a trois ans ou moins. Les mères les moins diplômées sont les moins présentes sur le marché du travail. Les écarts de taux d’activité entre les plus diplômées et les moins diplômées ont tendance à s’accroître avec le nombre d’enfants présents au domicile. Oui, des normes culturelles à la vie dure plombent l’activité des femmes.

Trois fois plus d’heures de travaux non rémunérés

En plus du temps qu’elles consacrent à leur emploi rémunéré et de celui qu’elles passent à faire la navette entre domicile et lieu de travail, les femmes consacrent en moyenne 23 heures par semaine à effectuer des travaux non rémunérés, essentiellement des responsabilités domestiques et du temps passé à s’occuper des enfants voire des ascendants. Les hommes (travaillant à temps plein) dédient 7,9 heures à ces mêmes tâches.
Source : enquête européenne sur les conditions de travail, 2005.

Des politiques familiales lourdes de conséquences

Les politiques familiales les plus récentes en France, si elles ont le souci de lever les obstacles qui empêchent les femmes d’accéder au travail, comportent en réalité des effets lourds de conséquences. Les mesures prises dès les années 1970 pour développer la garde collective (crèches et école maternelle dès trois ans) ont facilité l’accès au marché du travail des mères.

L’instauration en 1986 de l’allocation parentale d’éducation (APE) et son extension ont été saluées. Dénommé aujourd’hui « complément de libre choix d’activité de la prestation d’accueil du jeune enfant », il rémunère à un demi-Smic le parent qui cesse de travailler pour s’occuper de l’enfant pour une durée de trois ans.

En même temps, on a assisté à un retrait du travail des mères de jeunes enfants, particulièrement les femmes peu qualifiées. Ces mesures, en période de chômage de masse, peuvent s’apparenter davantage à une politique de l’emploi destinée à désengorger le marché du travail. Ce complément est essentiellement féminin et 2% des bénéficiaires sont des pères. Les écarts de salaires expliquent un l’arbitrage financier du couple aux dépens de l’activité de la mère. Cette politique familiale, neutre en apparence, s’avère lourde de conséquences.

De même, l’inégal partage des tâches domestiques, qui augmentent avec l’arrivée de l’enfant, perdure, notamment parce que la femme est supposée être la personne la plus compétente pour s’en occuper.

Le retour de la « femme-mère » freine la marche vers l’égalité

Depuis des décennies, la lutte des féministes, quelquefois décriée par les femmes elles-mêmes, a eu une influence décisive sur le changement des mentalités. Rares sont ceux qui osent contester l’émancipation de la femme et son indépendance économique, tant cela paraîtrait incongru et réactionnaire. Entrées massivement sur le marché du travail, les femmes, jusque dans les années 1980, y restaient même lorsqu’elles devenaient mères. Des années plus tard, si la question du partage des tâches, comme celle de la garde des enfants, a dépassé la sphère privée, le constat reste alarmant. La garde collective et individuelle des enfants s’avère dramatiquement insuffisante, les hommes résistent au partage des rôles et des fonctions et les femmes sont toujours confrontées au plafond de verre dans les entreprises.

Élisabeth Badinter, philosophe, propose une analyse originale de l’évolution de la place des femmes dans la société française, susceptible d’expliquer la stagnation, voire la régression si l’on n’y prend pas garde, de leur insertion sur le marché du travail. « A côté des incidences économiques de la crise (chômage massif, travail dévalorisant et dévalorisé, retour de la grande pauvreté et repli sur des positions traditionnelles : l’homme au travail, la femme à la maison), nous assistons à un retour en force de la femme-mère avant tout qui freine la marche vers l’égalité. En même temps que l’on pourchasse les prostituées des rues des grandes villes, la maternité est redevenue le sacro-saint destin féminin que nul n’ose plus interroger ou malmener, comme on le faisait encore il y a vingt ans » soutient-elle.

Et s’il fallait admettre avec elle que la montée en puissance d’un autre modèle de vie féminine tourne le dos de nouveau à la mixité des rôles, pourtant facteur d’égalité ? Mieux comprendre permet toujours de mieux agir.

Le difficile partage entre travail et famille

Depuis le début des années 1990, l’instauration des dispositifs encourageant les temps partiels et le déploiement du congé parental ont aussi joué en défaveur des femmes. Il leur incombe de se « débrouiller » grâce à ses mesures pour articuler famille et travail, alors que les hommes peuvent, et c’est démontré, conduire leur carrière sans problèmes. Plus de 90% des salariés à temps partiel sont des travailleuses. Le partage entre travail et famille reste difficile.

Les congés parentaux sont pris essentiellement par les femmes et, tout comme les congés de maternité, ils peuvent avoir des incidences sur les carrières. Les écarts de salaire qui en résultent, presque 30% en défaveur des femmes, sont dus aussi à la moindre valorisation des emplois féminins. Selon certaines études, ces différences de salaires relèvent aussi, en part non négligeable, de la discrimination de genre.

Une politique familiale modernisée incitant les hommes à s’engager

Des philosophes, des économistes, des sociologues, des syndicalistes, notamment à la CFDT, prennent la mesure des effets pervers de ces politiques familiales et soulignent les inégalités sur le marché du travail qu’elles accentuent. L’État a sa part de responsabilité. La reconduction et l’extension de la prestation d’accueil du jeune enfant, n’a pas insufflé de réel changement pour faciliter l’activité des mères et permettre aux hommes d’être des pères.

Pour la CFDT, Laurence Laigo, secrétaire nationale, revendique une politique volontariste : « pour que les femmes accèdent et se maintiennent sur le marché du travail nous devons avoir une politique familiale modernisée qui incite les hommes à s’engager ». Par exemple, la CFDT appelle à une réforme du congé parental, pour qu’il soit plus court mieux rémunéré avec une part réservée aux hommes.
Ombretta Frache

Sakineh : les interdits religieux plus forts que les valeurs humaines

Sakineh est convaincue de « crime », elle doit mourir. Coupable ? Non. Victime. Sakineh Mohammadi Ashtiani, iranienne, mère de trois enfants, est condamnée à mort par lapidation pour adultère. Elle a également subi des châtiments corporels pour « diffusion de la corruption et de la prostitution » à cause de la publication par le London Times d’une photo qui la représente sans voile. Son cas a soulevé une vague d’indignation dans le monde. L’ensemble de la communauté internationale, l’ONU, le Parlement européen, le syndicalisme, le Vatican et de très nombreuses personnalités, des politiques, des militants se sont mobilisés. En Iran, des centaines d’hommes et de femmes ont été condamnés à la lapidation, punition archaïque réservée aux « crimes » sexuels et aux blasphèmes. Le sort de Sakineh n’est pas unique. Mais c’est une femme qui est encore une fois victime de la domination des hommes exacerbée par les interdits religieux. Et la justice s’en trouve souillée des pires obscurantismes qui s’imposent contre toutes valeurs humaines. Selon l’ONU les violences à l’encontre les femmes sont aujourd’hui les droits humains les plus bafoués.

Principales dates en matière de droit du travail ou de droit à l’instruction des femmes

1850 La loi Falloux oblige les communes de plus de 800 habitants à ouvrir une école primaire spéciale pour les filles.
1863 Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique, crée les cours secondaires, jusque-là interdits pour les jeunes filles.
1874 Première loi tentant de protéger les femmes au travail avec l’interdiction de travailler dans les mines ou de travailler le dimanche.
1880 La loi Camille Sée organise l’enseignement secondaire féminin qui reste différent de celui des garçons.
1882 La loi Jules Ferry rend l’école primaire gratuite et obligatoire pour tous, garçons et filles.
1892 Une loi limite la journée de travail à 11 heures et interdit le travail de nuit pour les femmes.
1906 Une loi institue le repos hebdomadaire pour les travailleurs.
1907 Une loi autorise la femme mariée qui travaille à disposer de son salaire, mais pas de gérer ses biens.
1909 Une loi institue un congé de maternité de 8 semaines, sans traitement.
1920 Les institutrices obtiennent l’égalité de rémunération avec les hommes.
1924 L’enseignement secondaire, autorisé pour les filles depuis 1880, devient le même pour les filles et les garçons.
1928 La loi institue le congé de maternité.
1932 La loi met en place les allocations familiales.
1945 La loi rend le congé de maternité obligatoire et rémunéré (à 50%).
1946 Le préambule de la constitution pose le principe de l’égalité des droits entre hommes et femmes.
1965 Le régime matrimonial qui date de 1804 est réformé : la femme peut gérer ses biens, ouvrir un compte en banque et exercer une profession sans l’autorisation de son mari.
1965 L’enseignement technique est ouvert aux filles.
1971 Une loi rend obligatoire l’égalité des salaires pour un même travail entres les hommes et les femmes.
1983 La loi Roudy proscrit toute discrimination professionnelle en raison du sexe.
1986 Une circulaire légalise l’emploi du féminin pour les noms de métiers.