Les Britanniques décident de quitter l’Union européenne
Le 23 juin 2016, les Britanniques décident par 51,9 % des suffrages au référendum de quitter l’Union européenne. Ce choc démocratique met à jour les fractures internes du Royaume-Uni. Choc aussi pour l’Europe qui voit sa construction mise en doute.
Le Premier ministre David Cameron s’est révélé un piètre stratège politique. En janvier 2013, il fait la promesse d’un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE s’il remporte les élections législatives de 2015. On connaît la suite.
Theresa May, qui succède aujourd’hui à David Cameron, est devenue, sans élection, le 13 juillet, la nouvelle Première ministre du Royaume-Uni. Elle a promis de négocier pour son pays le « meilleur accord » : « Brexit signifie Brexit. Et nous en ferons un succès », a-t-elle martelé devant le Parlement britannique tout en prenant la tête du Parti conservateur.
Quant aux travaillistes, ils ne vont guère mieux. 37 % de ses électeurs auraient voté pour le Brexit et son leader, Jeremy Corbyn, a subi le 28 juin une motion de défiance de son groupe parlementaire. Les propos excessifs voire xénophobes de l’UKIP, mais aussi de l’ancien maire conservateur de Londres, ont polarisé la campagne et détourné de la question posée. La procédure référendaire a amplifié les phénomènes.
Incertitude
Ce vote révèle pour l’Angleterre une crise territoriale majeure. L’Écosse (pro-européenne) est de plus en plus tentée par l’indépendance, tandis qu’en Irlande du Nord, des voix s’élèvent désormais pour réunifier l’île. Il a aussi mis en lumière les cassures sociales et démographiques. 60 % des plus de 65 ans ont voté pour le retrait tandis que 73 % des moins de 25 ans souhaitaient demeurer dans l’Union.
Lecture sociale des résultats : le retrait est majoritaire chez les chômeurs et les ruraux. Les plus diplômés et les urbains étaient favorables au maintien.
Maintenant, que faire ? Depuis le vote du 23 juin, les concertations se multiplient pour trouver une issue à cette grave crise. Le but de ces concertations est double. D’abord, éviter que d’autres pays (poussés par des partis nationalistes et d’extrême droite) comme les Pays-Bas, la Suède, le Danemark ne soient tentés de suivre le Royaume-Uni dans un schéma avoué (comme l’avance le Front national en France) de déconstruction de l’Union européenne et de repli national. Il faut aussi réduire autant que possible la période actuelle d’incertitude afin qu’il n’y ait pas un effet dommageable de diffusion aux plans économique, financier et social.
Fausses réponses
Les conséquences du « Brexit » ne sont pas faciles à appréhender. Le statut des impatriés et des expatriés, les conséquences économiques avec une récession attendue (la livre sterling a perdu 10 % au lendemain de l’annonce du Brexit) l’avenir de la City - la place financière de Londres, les nouvelles relations commerciales à négocier avec l’Europe, etc., restent des sujets d’inquiétude.
Pas sûr que les 27 acceptent désormais de nouveaux arrangements ou de nouvelles dérogations. Le Royaume-Uni, après avoir eu au sein de l’UE « un pied dedans – un pied dehors », ne peut avoir désormais un comportement de « passager clandestin » et avoir un « pied dehors et un pied dedans ». Plus encore, la réalité des relations internationales, l’imbrication des thématiques (développement-climat, santé, etc.), le poids des pays continents (Chine, Inde…) rendent actuellement toute tentative isolationniste assez illusoire.
La construction européenne a déjà connu de nombreux élargissements (7 depuis sa création). L’UE n’est pas le carcan qui est parfois décrit. Mais il est grand temps de lui redonner du sens. Cela commence par une sortie des politiques d’austérité fondées plus ou moins sur le couple automatique discipline budgétaire / réformes structurelles et par le refus, à court terme, de fausses réponses, comme en France l’appel à un hypothétique traité ou encore la nouvelle potion magique du référendum qui ne répond pas en général à la question posée.
Il faut donc espérer que les prochaines élections en France (présidentielles, 23 avril et 7 mai 2017, et législatives, 11 et 18 juin 2017) et en Allemagne soient l’occasion de nourrir ce débat dans l’ensemble de la société.
Jean-Pierre Moussy