UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Stats et études


Note de lecture sur « Bien vieillir grâce au numérique »


« Des technologies qui infantilisent et isolent, ou des technologies créatrices de lien ? », tel est le pari de cet ouvrage qui éclaire le sujet tant débattu dans nos réunions des nouvelles technologies. Les nouvelles technologies sont ambivalentes : certaines, partant de bonnes intentions peuvent s'avérer calamiteuses à l'usage, d'autres apportant un réel mieux pour les personnes dépendantes.

Voilà un livre au titre trompeur : on s’attend à un éloge des gérontechnologies (1), alors que le fil conducteur des auteures est le renforcement du lien social… avec l’aide de technologies éventuellement, mais ce n’est pas l’essentiel !

Les gérontechnologies frappent à la porte des personnes dépendantes et de leurs aidants. Nul doute que des technocrates technophiles bien avisés vont y trouver des remèdes à la dépendance et, à la suite y développer un marché juteux. Ils nous ont déjà fait le coup avec « l’enseignement assisté par ordinateur », c’est maintenant le cas avec la résolution des problèmes de sécurité par la vidéo surveillance, à quand le tour pour les personnes dépendantes ?

Les risques de la téléassistance

Prenons l’exemple de la télé assistance qui se répand rapidement : à première vue, c’est une sécurité, la personne qui a fait une chute peut obtenir ainsi un secours, ce qui rassure aidants ou familles éloignés géographiquement. A regarder de près son usage concret, d’un côté, une grande partie de la cause des appels, c’est la recherche d’un contact humain, il y a peut-être d’autres moyens de l’établir !

De l’autre côté, des personnes ayant besoin d’une intervention n’osent pas la déclencher car elles savent que le résultat, ce sera une intervention des pompiers qui vont défoncer la porte. Le même appareil peut être associé à des services très différents : un centre d’appel anonyme ou un réseau de voisinage, ce n’est pas le même contact ni les mêmes conséquences pour celui qui l’utilise.

Nombre de produits sont actuellement, soit disponibles, soit en projets : fax simplifié permettant l’envoi de courriels, déclenchement d’appels téléphoniques, allumage de la radio, visualisation de photos par une simple manipulation de cartes de type carte bancaire, suivi de personnes désorientées… Leur marché est encore balbutiant, mais les groupes positionnés sur le marché des résidences vont s’y essayer car les entreprises qui les importent ou les produisent n’auront pas les moyens de les diffuser seuls.

La nécessité de valoriser l’action des retraités

Et si on inversait la démarche ? C’est ce que propose ce livre : il dresse un diagnostic de la situation sociale des retraités, celui-ci ne surprendra pas les retraités militants à la CFDT. Mais il est intéressant de constater que ce point de vue est partagé. Ainsi les auteures insistent sur la nécessité de valoriser l’action des retraités.

Si l’on ne lit et n’écoute que les médias, ce sont, soit des personnes à charge dont le coût va impacter les générations qui suivent, soit des jouisseurs de loisirs qui passent l’hiver au Maroc, en Thaïlande... La réalité de la majorité est tout autre : investissement massif dans des associations caritatives, de lien social, d’intervention sociale, aide aux petits-enfants, soif des connaissances diffusées par les universités inter âges, les conférences…

Les auteures rappellent que le lien social et le maintien en éveil sont déterminants pour la qualité de vie et ils ont recensé des expériences intéressantes, le plus souvent associatives. C’est seulement ensuite qu’elles examinent en quoi les outils technologiques interviennent.

Un exemple simple : aidants, intervenants médicaux sociaux et voisins partagent un tableau électronique qui renseigne sur les visites au domicile de la personne dépendante. Ils peuvent ainsi déceler une journée où la personne risque de se trouver sans aucun contact humain et décider de déplacer la visite prévue pour le lendemain. Une petite association de voisinage est à l’origine de cette initiative. Modeste, elle ne fait appel à aucune technologie nouvelle, mais répond à un vrai besoin.

Tester et évaluer l’usage social de ces technologies

Pour les projets, notamment d’équipements plus sophistiqués, la réponse qu’a toujours donné la CFDT depuis le livre « Les dégâts du progrès » qui a fait date dans les années 70, reste valable : il faut tester et évaluer l’usage social de ces technologies. Des chercheurs se sont rassemblés au centre européen constitué à l’hôpital Charles Foix à Ivry-sur-Seine (2), Pôle allongement de la vie.

L’UD CFDT du Val-de-Marne est active dans l’association de développement local qui gère pour ce pôle des bourses destinées à développer les gérontechnologies. Elle est donc bien placée pour, d’une part se tenir informée, d’autre part influer sur le sens des développements qui en découlent. Elle est aussi intéressée à recevoir en retour les pratiques syndicales qui se développent autour des nouvelles technologies utilisées avec et pour des personnes âgées. Retraités, associations, à vos plumes, ou plutôt à vos claviers ! valdemarne@retraites.cfdt.fr).

Pour tisser des liens intergénérationnels

Un champ d’intervention nouveau s’ouvre pour les militants CFDT en informant sur les développements en cours et les produits et services disponibles. Mais il est souhaitable d’intervenir en amont, lors des phases de test, voire de recherche des besoins. Les différentes populations de retraités ont des approches différentes des technologies.

La génération qui arrive à la retraite est branchée, elle les a utilisées professionnellement et en fait un usage comparable à celui des salariés. Ce n’est pas le cas des plus âgés ou des moins aguerris à la bureautique. Raison de plus pour tisser des liens intergénérationnels : les « jeunes retraités » peuvent aider les plus anciens dans leur apprentissage, mais aussi pour l’appropriation et l’adaptation de ce qui constitue aujourd’hui un marché émergent. Un domaine à suivre donc.

Christian Dussable

(1) Gérontechnologies : la gérontologie est la science qui étudie le vieillissement humain. D’où ce néologisme (création d’un nouveau mot) par contraction entre deux connus. Ajoutons que la gériatrie s’intéresse spécialement aux conséquences du vieillissement sur la santé humaine et aux maladies des personnes âgées. Le gériatre est le médecin spécialiste des personnes âgées comme le pédiatre celui des enfants.

(2) L’hôpital Charles Foix (AP-HP) se veut un grand centre hospitalo-universitaire gériatrique en Europe. Il couvre l’ensemble des activités pour la prise en charge de la personne âgée quel que soit sa pathologie ou son niveau de dépendance.

En savoir plus

Bien vieillir grâce au numérique. Sous-titre : Autonomie, qualité de vie, lien social. Surtitre : La technologie ne doit pas infantiliser et isoler les plus âgés, elle doit créer du lien. Fyp Éditions. 160 pages. 12,60 €.
Auteures : Carole-Anne Rivière et Amandine Brugière travaillent à la Fing (fondation internet nouvelle génération), www.fing.org.