UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Notre activité


Pandémie et mesures d’exception


État d’urgence, couvre-feu, autorisations de circulation… Ce vocabulaire à résonance guerrière et traumatique retrouve avec la Covid-19 une douloureuse actualité. La pandémie a imposé des mesures de restriction des libertés que la France avait déjà connues pendant les guerres ou en cas de violences graves, mais jamais sous la menace de la maladie.

Dans son traité de théorie politique De l’esprit des lois, le philosophe des Lumières Montesquieu, qui revendique la liberté des citoyens, concède : « Il y a des cas où il faut mettre un voile sur la liberté… » Parmi les restrictions légales, il existe en France « l’état de siège ». Cette mesure tire son nom historique de l’attaque des villes. Quand une ville est assiégée, le responsable militaire assume seul tous les pouvoirs. Ainsi, « en cas de péril imminent », les pouvoirs régaliens des autorités civiles sont, en grande partie, transférés aux autorités militaires. Ce fut le cas plusieurs fois, en France, au cours du XIXe siècle (en 1848, pendant la Commune…) et au XXe siècle pendant la durée des deux guerres mondiales. Le recours à l’état de siège est possible suivant l’article 36 de la Constitution de 1958, mais celui-ci n’a jamais été proclamé sous la Ve République.

État d’urgence et couvre-feu

L’état d’urgence est tout autant une mesure exceptionnelle, mais ici ce sont les autorités civiles, et non plus militaires, qui voient leurs pouvoirs renforcés. La décision est prise par l’exécutif encadré par le Parlement. Ce régime est instauré par une loi du 3 avril 1955, sous la présidence de René Coty, à la suite des premiers attentats en Algérie. Le terme couvre-feu quant à lui ne figure pas dans la loi mais s’impose tout naturellement dans les commentaires et dans les journaux. D’origine médiévale, il désigne alors un objet, un couvercle qu’on dépose sur les braises, la nuit, pour protéger des incendies dans des villes construites majoritairement en bois. Une cloche particulière du beffroi ou de l’église annonce l’obligation d’éteindre tous les feux. Au couvre-feu s’associe le guet, qui consiste en des tours de garde pour prévenir des dangers, protéger les habitants, punir les contrevenants. Couvre-feu devient ainsi le synonyme de restriction des libertés pendant les heures de nuit. L’état d’urgence, ou couvre-feu, sera appliqué trois fois pendant la guerre d’Algérie, en 1955, 1958, 1961, soit en Algérie même, soit sur certaines villes en métropole. Il sera utilisé en 1985 en Nouvelle-Calédonie, et dans l’hexagone en 2005 suite aux émeutes des banlieues. Enfin, entre 2015 et 2017, en protection contre les attentats terroristes. Ainsi, chaque fois qu’apparaissent des violences graves, l’état d’urgence permet des mesures de restriction des libertés associées souvent à un couvre-feu.

Le confinement

En mars 2020 est pris un décret instaurant l’état d’urgence « sanitaire ». En effet, la loi de 1955 qualifie aussi d’état d’urgence « des événements présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamités publiques ». L’état d’urgence sanitaire entraîne la réunion sans délai d’un comité scientifique qui rend régulièrement des avis, et l’exécutif peut piloter la crise avec un Conseil de défense (Conseil des ministres restreint). Le gouvernement décide ainsi en mars le confinement. Ce terme, auparavant peu usité, était utilisé pour nommer l’isolement des religieux dans un monastère. Aujourd’hui, devenu familier à tous les Français, il désigne le contrôle des sorties hors du domicile ! Avec le mot confinement sont apparus des néologismes : le « déconfinement », qui a eu lieu en mai 2020, puis le « reconfinement », en octobre. L’état d’urgence sanitaire fait donc partie de ces mesures d’exception qui permettent d’imposer, de manière coercitive, des mesures prophylactiques afin d’espérer enrayer la pandémie en France.

Françoise Berniguet

Les villes au temps du couvre-feu.
Adobe Stock