Pour l’amélioration du pouvoir d’achat des retraités les plus modestes et la lutte contre les inégalités hommes/femmes
Le niveau des retraités s'est globalement rapproché de celui des actifs. Selon le Conseil d'orientation des retraites, (Cor), il était en 2006 de 21 540 euros contre 22 470 euros pour les actifs occupés. Les inégalités entre retraités se sont-elles même considérablement réduites durant les décennies passées, mais elles restent inquiétantes.
Le montant moyen des pensions de retraite s’élevait en décembre 2010 à 1 216 euros mensuels, selon la Drees (statistiques des ministères sociaux). Il était nettement plus faible pour les femmes (899 euros) que pour les hommes (1 552 euros).
Les pensions de retraite révèlent donc de fortes disparités, certains bénéficiaires disposant d’un confortable revenu tandis que les moins favorisés sont au minimum vieillesse. Il reste difficile dans ces conditions de porter un regard objectif sur la base de moyennes qui ne sauraient masquer des situations très différentes à l’intérieur d’une même catégorie de populations ou de situations quelles qu’elles soient.
Restent deux questions essentielles
– Plus de 10 % des retraités, dont majoritairement les femmes vivant seules, perçoivent une petite retraite inférieure à 600 euros par mois, Un nouveau risque de pauvreté des retraités et personnes âgées réapparaît, même si la situation des retraités est sensiblement meilleure que celle des ménages plus jeunes. Cette paupérisation va s’amplifier à l’avenir, notamment pour ceux qui auront connu des périodes de chômage non indemnisées, donc non cotisées pour la retraite.
– Le rôle qui reste dévolu aux femmes au sein de la société, se traduit par plus de petits boulots, plus de temps partiels, plus de carrières interrompues en cas de présence d’enfants, plus de chômage, moins de postes à responsabilités et de plus faibles salaires.
Les constats
La retraite en France est marquée par de nombreuses inégalités :
– Entre les hommes et les femmes : La pension de droit direct des femmes équivaut en moyenne à 58% de celle des hommes. La prise en compte des accessoires, majorations de pensions pour enfants, allocations relevant de l’ASPA et pension de réversion, contribue à réduire cet écart 2.
– Entre les générations : La pension moyenne passe de 1 438 euros pour les générations 60-64 ans à 984 euros pour les générations 85 ans et plus.
– Entre les pensions les plus faibles et les plus élevées : Les 10% des retraités aux pensions les plus faibles reçoivent une pension globale inférieure à 521 euros par mois, tandis que les 10% aux pensions les plus élevées perçoivent une pension globale de plus de 2 495 euros. Cette dispersion est encore plus importante chez les femmes, nettement surreprésentées parmi les retraités les modestes.
– Les femmes retraitées perçoivent une retraite de 42% inférieure à celle des hommes.
– Les femmes représentent 73,4% des personnes âgées pauvres de plus de 75 ans, et leur taux de pauvreté (15,1%) est nettement supérieur à celui des hommes de ces mêmes générations (8,8%).
– Selon le Conseil économique social et environnemental, les pensions de retraite globale des femmes âgées de 65 à 69 ans resteraient inférieures d’un quart à celles des hommes, à l’horizon 2040. Si leurs dispositifs de solidarité méritent d’être réformés, les systèmes de retraite ne peuvent à eux seuls jouer aux redresseurs de torts.
Inégalités hommes/femmes : les Français perplexes
En 2010, 55 % des personnes interrogées sont optimistes quant à la diminution des inégalités entre les femmes et les hommes. 30 % pensent qu’elles vont augmenter, un chiffre en constante progression depuis 2005.
Les femmes, principales concernées, les plus de 30 ans, les ouvriers, les non diplômés et les bas revenus représentent une grande part de ces pessimistes. Et ils ont quelques raisons : sur 134 pays, la France se classe au 46e rang, au dernier classement mondial des inégalités de genre.
La perception des inégalités hommes-femmes (unité : %) 2005 2010 Les inégalités hommes/femmes vont augmenter 17 30 Les inégalités hommes/femmes vont diminuer 52 55 Les inégalités hommes/femmes vont rester stables 27 14 Ne sait pas 4 1 Enquête barométrique réalisée par l’Institut BVA auprès de 4 008 personnes âgées de 18 ans et plus du 18 octobre au 29 novembre 2010.
Source : ministère de la Santé
Nos propositions
Pour la CFDT Retraités, il faut :
– un minimum de pension totale pour une carrière complète à 100% du Smic net et des mesures pour garantir dans le temps un même rapport entre le minimum de pension et le Smic ;
– l’application de ces mesures aux pensions déjà liquidées ;
– favoriser le pouvoir d’achat des basses pensions par des mesures significatives en faveur du pouvoir d’achat des pensions inférieures à 1 100euros/mois, le rappel du trimestre de revalorisation manquant par le versement d’une somme égale pour tous les retraités, le paiement de la pension au 1er du mois à l’instar de ce qui sera fait - en 2013 - par les régimes de retraite complémentaire ;
– garantir aux retraités un niveau de vie en harmonie avec celui des salariés par un autre mode d’indexation des pensions et une revalorisation selon un « taux de croissance » qui garantisse par le maintien du niveau de vie, une relative harmonie entre le niveau de vie des salariés et celui des retraités ;
– revaloriser les pensions de réversion par une augmentation du taux de réversion dans tous les régimes pour être porté à 60% dans tous les régimes et une réponse adaptée aux nouvelles formes de conjugalités ;
– forfaitiser la majoration de pension pour enfants ;
– compléter le dispositif de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) par des cotisations retraites obligatoire aux régimes de retraites, à la charge des caisses d’allocations familiales ;
– c’est en amont qu’il faut agir en priorité, pour réduire, dans les faits et pas seulement dans les lois, les inégalités au travail. Il faut permettre une meilleure conciliation, pour les femmes comme pour les hommes, entre vie professionnelle et vie familiale. Il s’agit aussi de créer les conditions d’une véritable mixité dans toutes les sphères de la société.
Ombretta Frache
Parole d’expertLa question des minima sociaux
Je suis pour que tout le monde gagne plus d’argent. Je suis aussi pour la mise en place d’une société juste. On peut comme Mélenchon lors de la campagne présidentielle dire : « Tout le monde à 1 700 euros ! »
Pourquoi effectivement ne pas aligner les pensions sur le Smic net ? Mais analysons ce qui se passe sur les neuf minima sociaux en France. Il y en a un qui est le plus élevé : l’Aspa. Et pourquoi pas aussi l’allocation aux adultes handicapés ? Et pourquoi pas en effet et tout aussi légitimement également pour le RSA ? Comment expliquer aux jeunes qu’ils ne sont pas assez grands pour avoir droit à une aide minimale ? Et les retraités sont-ils prêts à manifester pour que les jeunes aient droit au RSA ?
Sur la réduction des inégalités hommes/femmes, la retraite n’empêche pas de réparer des choses. Il y aurait peut-être de la redistribution intra retraités à mettre en œuvre. Il faut aussi prendre en compte que les femmes vivent sept ans de plus que les hommes. Une certaine redistribution se fait sur le temps. Mais ces sept ans de prise en charge ne redistribuent pas tout.
Mais la question est surtout celle de l’inégalité sociale, due aux carrières interrompues, inachevées, incomplètes. On pourrait imaginer un système différent d’attribution de points pour la retraite de base et les complémentaires pour les temps partiels par exemple. Les Pays-Bas l’ont fait.
Bruno Palier