Fil Bleu : Pour la première fois, la stratégie d’action intersyndicale et confédérale semble provenir de la CFDT. La reconnaissance de la CFDT comme première organisation syndicale en est-elle la raison ?

Yvan Ricordeau : Évidemment, notre place de première organisation syndicale nous donne une grande légitimité, en particulier dans l’actuel mouvement social. Il faut aussi souligner d’autres facteurs comme notre constance sur le report de l’âge ou encore la crédibilité de la CFDT sur les retraites, sujet sur lequel la CFDT s’implique fortement depuis des décennies. Et surtout, il ne faut pas oublier notre capacité de mobilisation ! Tous les acteurs le reconnaissent. J’ajouterai enfin que l’intersyndicale a rapidement convenu que, pour être forts, il nous faut avancer ensemble. Entre organisations syndicales, on n’est pas d’accord sur tout et on le sait. Mais la CFDT a réussi à convaincre de se retrouver autour d’un mot d’ordre unique et commun : Non aux 64 ans.

Ce sont dix journées dédiées aux actions intersyndicales qui ont gagné la bataille de l’opinion. Cela diffère des modes d’action habituels. Quelles. Quelles leçons la CFDT va-t-elle en tirer ?

Nous avons gagné la bataille de l’opinion. C’est un élément fondamental du mouvement actuel. Nous l’avons convaincue sur notre analyse de la réforme. Nous l’avons convaincue par notre capacité à porter la parole des travailleurs et travailleuses. Et nous l’avons convaincue par notre responsabilité dans la mobilisation : ne pas bloquer France et la vie de tout un chacun, refus de la violence, respect des biens et des personnes. C’est ça, le syndicalisme CFDT, et la période actuelle nous montre que le grand public s’y reconnaît. Cela nous invite à assumer davantage ce que nous sommes et oser aller encore plus à la rencontrer des travailleurs, des travailleuses, des retraitées et retraités, afin de porter leur voix.

L’enjeu financier pour les retraites était minime. Le président a justifié le recours au 49.3 à cause des « risques financiers », notamment la crédibilité de la France sur les marchés financiers. Ces enjeux financiers rendaient-ils notre action plus difficile que la seule réforme des retraites ?

La CFDT a toujours reconnu qu’il y a un besoin de financement. Le dire fait partie de notre crédibilité. Mais s’il ne faut pas ignorer la situation, il ne faut pas la dramatiser non plus. Le besoin de financement est moins important et sans perspective de dégradation sévère quand on le compare aux précédentes réformes. Quant au soi-disant risque sur les marchés financiers, ce dernier argument fait partie de la dramatisation. Notre rôle est de ne pas y céder et d’expliquer ce qu’il en est car nous avons aussi une mission d’éducation populaire. Cela étant dit, il reste qu’il y a un besoin de financement du système des retraites. Mais pour la CFDT, le résoudre ne peut se faire qu’en partageant les efforts.

Le syndicalisme retraité a-t-il d’autres modes d’action que la bataille de l’opinion. Quels conseils peux-tu nous donner ?

La bataille de l’opinion, quand elle n’est pas démagogique, c’est faire le choix de la démocratie. Or ce choix, il faut tous les jours le renouveler. La CFDT Retraités joue un rôle essentiel d’information auprès de ses adhérents qui, à leur tour, sont des relais auprès de leurs proches. Mais votre action n’est pas que celle-là. Les premiers experts de la retraite, ce sont les retraités. Votre expertise, vous la mettez à disposition de celles et ceux qui s’adressent à vous et qui vous posent des questions, notamment sur leurs droits et l’accès à ceux-ci. C’est une mission précieuse qu’il faut poursuivre. Par ce biais, vous contribuez à faire de la CFDT une référence en matière de retraite qui, ainsi, peut être mieux entendue.

Propos recueillis par Nicole Chauveau