« Brexit or not Brexit ? » pour Le Royaume-Uni ?
Après les élections législatives du 7 mai remportées par le conservateur David Cameron, la question est désormais posée d’un « Brexit » (pour « British exit ») du Royaume-Uni de l’UE. Enjeux électoraux ou enjeux européens ?
Le Royaume-Uni a subi fortement la crise. La croissance a été négative en 2008 (-0,1 %) et plus encore en 2009 (-4,9 %). La dette publique est élevée : 95,5 % du PIB (2013) ; 89,6 % (2014). Il en est de même du déficit public : 6,8 % du PIB (2013) ; 5,6 % (2014). La croissance est cependant plus favorable en 2014 (2,6 %) et la prévision pour 2015 est à 2,7 %.
Le taux de chômage peut être envié : 6,2 % en 2014. Un chiffre à tempérer par un fort développement de la précarisation. Selon « l’Office National des Statistiques », 1,4 million de personnes sont concernées par les « contrats 0 heure » qui lient les employés à leurs employeurs sans que ceux-ci soient obligés de garantir un minimum d’heures payées. Au total, la situation économique et sociale du pays mérite donc d’être observée sur une longue période avec nuances.
Une arithmétique électorale complexe
David Cameron a remporté les élections à la Chambre des Communes avec la majorité absolue de six sièges. Mais si le « parti populiste et xénophobe UKIP » n’a remporté qu’un seul siège, il a tout de même obtenu 12,6 % des voix. Plus encore, le Parti national écossais » (parti autonomiste pro-européen) a remporté 56 sièges et devient la 3e force parlementaire de la Chambre des Communes. La situation politique interne du pays n’est donc pas aussi simple que la seule arithmétique du résultat des élections pourrait le laisser penser.
Le Royaume-Uni les clauses d’exception
Le discours de Churchill préconisant en 1946 les « États-Unis d’Europe » semble loin. Depuis, les intérêts à court terme du pays priment sur toute autre considération. La méthode utilisée fréquemment par les Britanniques est celle du « un pied dedans, un pied dehors », participant aux négociations mais utilisant les clauses d’opting-out (clauses d’exemption). En 2014, quatre États ont de semblables clauses. Mais le Royaume-Uni est le pays qui les utilise le plus : l’espace Schengen (1985) – la monnaie unique (1992) – la Charte des droits fondamentaux (2007) – l’espace de liberté, de sécurité et de justice (2009). Les Britanniques expriment par ailleurs leur hostilité à la directive sur la législation sur le temps de travail.
L’avenir incertain du Royaume-Uni dans l’Union européenne
La sortie d’un pays membre de l’UE est juridiquement possible. Elle est prévue par le Traité de Lisbonne dans son article 50. La question du maintien ou non du Royaume-Uni dans l’UE n’est donc pas juridique mais politique.
La négociation commence à s’amorcer. Certains sujets sont évoqués, comme la question des droits sociaux des immigrés provenant des États membres, le rapatriement de certaines politiques au niveau national, l’accroissement des pouvoirs des Parlements nationaux, etc.
Un référendum, malgré son exercice de démocratie partagée, ne règle pas tout. Les Britanniques ont déjà voté sur la participation de la Grande-Bretagne à la Communauté européenne, le 5 juin 1975. À l’époque, ils l’avaient approuvé par 67,2%. Cela n’a pas empêché par la suite l’euroscepticisme de se développer tour à tour dans chacune des deux formations politiques dominantes du pays.
La sortie du Royaume-Uni de l’UE ne serait sûrement pas un signe positif donné au reste du monde alors que la crise n’est pas encore terminée. Il est donc nécessaire de réaffirmer un projet européen solide, apte à relever les défis de la mondialisation du XXIe siècle, qu’il s’agisse des défis du développement durable, des défis climatiques, des défis démographiques, des défis de sécurité. La réponse n’est certainement pas dans des replis nationaux, mais au contraire dans l’affirmation d’un projet européen dynamique.
Jean-Pierre Moussy