UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Notre activité


Seul à deux !


Elle ne s’en souvient plus parce que sa mémoire est altérée par des souvenirs plus lointains qui lui cachent la réalité. Elle l’appelle « monsieur » mais sourit tout le temps et accepte qu’il s’occupe d’elle… tout le temps, tout son temps. Ils se sont mariés voilà 50 ans.

La maladie s’étend, perfidement, lui volant quotidiennement un geste, un mot, un prénom, un visage qu’elle ne reconnaît plus, un regard perdu dans le vague ou le passé lointain. Mais lui s’accroche : il faut ne pas la laisser seule, il faut continuer de lui parler, de sortir. Mais il est de plus en plus seul à deux.

On fait appel à l’assistante sociale qui va libérer des heures. Des heures pour la toilette, des heures pour l’entretien de la maison mais des heures au « barème de l’allocation personnalisée d’autonomie ».

La maladie progresse. Elle s’attaque aux fonctions « toilettes » pour lesquelles il n’y a pas d’heure fixe. Elle s’attaque aux gestes vitaux comme manger seule. Heureusement, elle continue de sourire, pas forcément de lui sourire. Elle sourit…
Il prend un créneau de 30 minutes chaque matin pour quelques courses rapides.

Maintenant elle dort beaucoup. Pour lui, les allers et retours dans la chambre deviennent de plus en plus fatigants pour ses 80 ans. Alors il installe un canapé dans la salle à manger. Heureusement, dans la ville à côté, il peut chaque mardi après-midi prendre un peu de répit car elle va à une séance de groupe où bientôt hélas elle ne pourra plus être acceptée : trop « dépendante » !

Leurs enfants travaillent et ne peuvent pas aider, ayant eux-mêmes des enfants en bas âge. Lui ne se plaint jamais, même si désormais il ne peut plus l’emmener dehors car elle ne veut presque plus marcher.

Et puis au bout de presque cinq années, après une mauvaise grippe, elle va définitivement vivre en Ehpad à quelques kilomètres. Et chaque après-midi, sept jours sur sept, il va la visiter de 14 h 00 à 17 h 00. « Cela me permet de lui donner encore son goûter et puis je lui caresse les joues. Elle me sourit. »

La seule fois où il a élevé le ton, c’est lorsqu’il a reçu la première facture de l’établissement : « Comment font ceux qui n’ont qu’une retraite pour payer des sommes pareilles ? »

Il prend sa vieille voiture et se dirige vers la ville d’à côté. Là, il a encore sa femme… Pour toujours.