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Tunisie, une démocratie en péril


Dans le pays de la révolution de Jasmin, les signes inquiétants se multiplient. Sur fond de crise économique, sociale et politique, le président confisque peu à peu tous les pouvoirs. Avec en ligne de mire, le puissant syndicat UGTT (Union générale tunisienne du travail), l’un des acteurs clé de la transition démocratique.

La démocratie tunisienne née de la révolution de 2011 peut-elle encore être sauvée ? Arrestations arbitraires, racisme anti-migrants affiché au plus haut niveau de l’État, répression syndicale, la dérive autoritaire du président Kaïs Saïed s’amplifie. Une évolution dont les prémices sont apparues dès le 25 juillet 2021. En procédant au gel du parlement puis à sa dissolution en 2022, Kaïs Saïed jette alors bases d’un régime ultra-présidentiel. « Depuis, le président ne cesse de saper les institutions de l’État, analyse Didier Szliwka, chargé du dossier au service international de la CFDT. Ce qui était au départ un coup de force constitutionnel est en train de se transformer en un coup d’État. » Le président verse en outre dans le populisme quand il évoque « les hordes de migrants » venus d’Afrique subsaharienne, au grand dam de la société civile, UGTT en tête.

C’est précisément cette société civile que le président s’attache désormais à mettre au pas. En début d’année, une vague de répression vise des opposants politiques, des avocats, des journalistes et des syndicalistes.
L’arrestation en janvier dernier d’Anis Kaabi, militant UGTT à l’origine d’une grève dans une société autoroutière, provoque la colère du monde syndical et de la population. Des milliers de personnes manifestent le 18 février dans les rues de Sfax à l’appel de l’UGTT pour réclamer sa libération et dénoncer des pratiques dignes d’un État policier. Venue soutenir le mouvement, Esther Lynch, secrétaire générale de la CES, confédération européenne des syndicats, doit quitter le territoire dans les 24 heures.

L’UGTT, dernier rempart de la démocratie

Le scénario se répète le 4 mars, alors qu’une nouvelle manifestation est organisée à Tunis. Une délégation de syndicalistes européens (CFDT, CGT et UGT, syndicat espagnol) est empêchée de se rendre en Tunisie. « Après la répression antisyndicale, les autorités tunisiennes tentent de museler la solidarité internationale, a réagi Laurent Berger, au nom de la Confédération européenne des syndicats (CES) et de la CFDT. Cela nous rend encore plus déterminés à soutenir mes amis tunisiens dans leur combat pour la justice sociale. »

Si l’UGTT est particulièrement visée par le pouvoir, ce n’est pas le fait du hasard. Forte d’un million d’adhérents, la puissante organisation syndicale est co-lauréate du prix Nobel de la paix obtenue en 2015 pour le rôle majeur qu’elle a tenu dans le processus de transition démocratique du pays. « L’UGTT est aujourd’hui le seul élément structurant de la société civile tunisienne, estime Didier Szliwka. Elle représente aux yeux du président le dernier obstacle avant de s’arroger les pleins pouvoirs. »

Esther Lynch, Secrétaire générale de la CES et Noureddine Taboubi, Secrétaire général de l’UGTT, le 17 février dernier à Tunis.
Etuc-CES

Crise politique et inflation galopante

La crise politique se greffe sur une situation dramatique du point de vue économique et social, marquée par une inflation de plus de 10 % par mois et des pénuries de denrées alimentaires de base. Pour l’UGTT et son secrétaire général, Nourredine Taboubi, qui appelle « à des changements pacifiques et démocratiques », la seule voie de passage est de renouer avec le dialogue national. Le syndicat a proposé avec trois autres organisations (Conseil de l’ordre des avocats tunisiens, Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme, Forum tunisien des droits économiques et sociaux), une initiative commune pour sortir le pays de la crise. Tout doit être tenté pour éviter le chaos et le retour aux années sombres de la dictature.

Marie-Nadine Eltchaninoff