CFDT Agri-Agro : l’eau nécessite une gestion qualitative et quantitative durable
Fil Bleu n°281, dans son dossier consacré à l’eau, a évoqué l’importante consommation d’eau par l’agriculture. Un sujet qui méritait d’être approfondi avec la CFDT Agri-Agro. Sophie Gaudeul, secrétaire nationale, et Annabel Foury, secrétaire confédérale, ont répondu à Fil Bleu.
Fil Bleu : En quoi le monde agricole et votre fédération sont-ils concernés par la gestion durable de l’eau ?
CFDT Agri-Agro. La gestion de cette ressource est cruciale pour garantir notre sécurité alimentaire, la durabilité des écosystèmes et leur résilience face aux changements climatiques. Bien que renouvelable, cette ressource est fragile : elle nécessite une gestion durable aussi bien au plan quantitatif que qualitatif. Préserver la disponibilité en eau douce constitue un enjeu majeur pour la santé humaine. Avec le réchauffement climatique, l’irrigation devient de plus en plus difficile. Les exploitations agricoles doivent s’adapter à cette réalité, en adoptant des pratiques agricoles résilientes et des cultures adaptées.
L’utilisation excessive d’engrais et de produits phytosanitaires en agriculture constitue toujours un risque majeur de contamination des ressources en eau, affectant les écosystèmes et la santé humaine. Et les travailleurs sont les premiers exposés.
Si les pratiques agricoles durables et la rotation des cultures peuvent aider à préserver la qualité de l’eau, les changements de pratiques sont lents. La pollution par les nitrates a augmenté de plus 37 % entre 1996 et 2018. La soutenabilité du coût des traitements de l’eau pour les ménages qui ont réduit leur consommation d’eau depuis plus de 20 ans reste notre préoccupation syndicale. Pour la CFDT Agri-Agro, il doit y avoir une équité dans la prise en charge des coûts entre tous les acteurs.

Quels sont d’après vous les obstacles majeurs pour parvenir à une agriculture moins consommatrice d’eau ?
Selon la Cour des comptes, la qualité des conseils apportés aux agriculteurs est déterminante et apparaît hétérogène. Or seules 16 % des exploitations réalisent elles-mêmes leurs plans de fumure, la plupart passant par un tiers. Il en va de même pour l’épandage. La formation de ces acteurs est donc un enjeu clé. Les systèmes d’irrigation ne sont pas non plus optimisés, car cela nécessite des investissements importants pour être modernisés.
L’alternance de sécheresses et de périodes de forte pluviométrie ne facilite pas la planification de l’irrigation. Une bonne gouvernance dans la gestion de l’eau reste à généraliser pour surmonter des freins économiques aux changements de pratiques. Pour la CFDT Agri-Agro, la mise en œuvre de démarches collectives de pratiques agroécologiques dans les territoires est indispensable.
Le développement de la filière protéines végétales va-t-il dans le bon sens d’une agriculture ménageant la ressource en eau ? Comment progresse ce chantier ?
Depuis 2020, une stratégie nationale « Protéines végétales » à 10 ans vise en effet à renforcer la production de protéines végétales. Développer des variétés de légumineuses mieux adaptées aux conditions climatiques changeantes contribue à préserver la biodiversité agricole et à la résilience des écosystèmes.
Les légumineuses et autres plantes riches en protéines nécessitent aussi moins d’engrais et de pesticides. La demande des consommateurs évolue*. Mais quels sont nos réels besoins en protéines végétales et animales pour être en bonne santé ? Et comment les territoires peuvent-ils répondre durablement à ces besoins ?
Propos recueillis par Danielle Rived
*Selon Kantar World Panel, en 2021, 49 % des foyers français comprenaient au moins une personne flexitarienne, contre 25 %, six ans plus tôt.