UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Actu revendicative


Forte hausse des dépenses de médicaments tirée par les nouveautés


Les médicaments pèsent 44% des dépenses de soins de ville et la dépense augmente fortement chaque année, dont 6% en 2003. Les causes sont complexes : changements thérapeutiques, nouveaux médicaments et modifications des remboursements. La responsabilisation de tous est fondamentale. Elle doit reposer sur une information claire, objective et indépendante. Notre analyse en huit points.

Plusieurs études récentes (Caisse nationale d’assurance maladie, Cour des comptes, ministère de la santé, Mutualité) viennent de s’intéresser à la consommation des médicaments, à la politique du médicament et à sa contribution à la hausse des dépenses de santé en France durant l’année 2003.

1. Les médicaments représentent 20% des dépenses

Les médicaments représentent environ 44% des dépenses de soins de ville et 20% de l’ensemble des dépenses de l’Assurance maladie (médecine de ville et secteur hospitalier). Dans une évolution globale des dépenses de santé qui a été de +6,6% en 2003 par rapport à 2002, ils ont une large part. Leur augmentation a été en effet de 6% en 2003.
C’est 15,84 milliards d’euros qui ont été consacrés à la vente de médicaments remboursables en 2003.

2. Dépenses à la hausse avec +6%

Cette augmentation de 6% fait suite à une hausse moindre en 2002 (+4,6%). L’augmentation des dépenses de médicaments a donc repris à la hausse en 2003 et ceci ne peut qu’être inquiétant pour l’avenir. Cette tendance se confirme au premier semestre 2004 où les dépenses de médicaments augmentent sur la base d’un rythme annuel de 8,7% depuis janvier 2004 ! Même si la croissance globale des dépenses de santé tend à ralentir à l’automne 2004, il n’en est pas de même pour les médicaments dont la progression des ventes reste soutenue (6,2%). Il nous faut essayer d’analyser plus finement cette évolution et mesurer les enjeux pour les prochaines années.

3. Les prescriptions hospitalières représentent 20%

Les hôpitaux sont à l’origine de 20% des remboursements de médicaments effectués par l’Assurance maladie. Ceci est dû d’une part à ce que l’on appelle la « rétrocession hospitalière », c’est-à-dire les médicaments délivrés par une pharmacie hospitalière à des patients non hospitalisés (la dépense est alors considérée comme faisant partie des soins de ville) et d’autre part par les prescriptions au moment de la sortie d’hospitalisation ou lors de consultations externes à l’hôpital (il y en a 24 millions par an) ou encore lors d’un passage aux services d’urgences hospitalières (il y a en a 13 millions par an !).

Ceci illustre bien qu’il n’y a pas (que ce soit pour l’offre de soins en général ou pour les médicaments) deux domaines séparés, d’un côté la médecine de ville et d’un autre l’hôpital. C’est pourquoi la CFDT insiste sur la nécessité d’une meilleure articulation entre l’hôpital et la médecine de ville. Cela s’impose déjà pour obtenir des soins de meilleure qualité et plus cohérents.
Si l’on veut aller vers une maîtrise médicalisée des dépenses, c’est bien l’ensemble du système de soins qu’il faut prendre en considération.

De plus, c’est généralement par l’hôpital que débute la diffusion des médicaments nouveaux. Or ces médicaments sont généralement chers. Ce fait peut expliquer en partie pourquoi les prescriptions des médecins hospitaliers ont augmenté de 19%, soit 3 fois plus que la moyenne (6%) des prescriptions globales de médicaments.
A ce titre, on peut espérer que la présence de représentants de l’Assurance maladie dans le nouveau Comité de l’Hospitalisation aille dans le sens de la meilleure coordination recherchée.

4. Une consommation très concentrée

L‘analyse montre que près de la moitié du chiffre d’affaires est réalisée par 23 classes de médicaments sur un total de 337 et qu’un tiers l’est par 11 classes seulement. Ces 11 classes représentent 77% de la croissance du chiffre d’affaires global, sachant que l’on appelle « classe » l’ensemble des médicaments ayant les mêmes indications thérapeutiques et pharmacologiques.

Parmi ces classes tirant la croissance des dépenses de médicaments, on trouve les médicaments employés pour le traitement des maladies cardio-vasculaires, celui des ulcères et pathologies gastro-oesophagiennes, celui de l’asthme, celui des maladies sanguines, celui des maladies osseuses ainsi que certains vaccins.

Par contre, certaines classes contribuent à ralentir la croissance des dépenses. Ce sont en particulier les pénicillines à large spectre, les vasoprotecteurs, les antitussifs, certains corticoïdes... Cette situation peut avoir plusieurs causes : l’emploi de génériques, le transfert sur d’autres classes de médicaments innovants ou les effets du déremboursement (c’est le cas des antitussifs en association qui ont été déremboursés en 2002 et 2003).

On voit donc que les causes des évolutions sont complexes puisqu’interviennent des changements thérapeutiques, des apparitions de nouveaux médicaments, les conséquences des modifications de remboursement.

5. Le poids des médicaments nouveaux

Un fait important dans les modifications d’utilisation relève de l’apparition de médicaments nouveaux. Il est noté ainsi que les médicaments de plus de 10 ans ont un impact négatif (-3,3%) sur l’évolution des dépenses tandis que ceux de moins de 10 ans sont responsables de la croissance des ventes (leur part croit de 9,4%). Parmi ceux-ci, les produits mis en vente depuis moins d’un an qui sont à l’origine de 32% de la croissance du marché. On retrouve dans cette catégorie un certain nombre de médicaments nouveaux dont la prescription restreinte est d’origine hospitalière, comme cela a été évoqué plus haut.

La CFDT a toujours dit que les progrès techniques devaient bénéficier aussi aux malades et que la véritable innovation pharmaceutique pouvait justifier d’éventuels coûts élevés, à condition que la fixation des prix des médicaments se fasse dans la clarté en relation avec des évaluations permanentes et indépendantes du service médical rendu.

6. L’influence des médicaments génériques

Leur place continue à se faire de plus en plus importante et a cru de 38% en 2003. Cette croissance accompagnée de la mise en place du TFR (Tarif forfaitaire de responsabilité, fixant un prix de remboursement unique pour un groupe de médicaments sur la base du prix du générique) aurait conduit à une économie estimée à 183 millions d’Euros en 2003. Le taux de pénétration des génériques est évalué à 51,8% des boites vendues dans le marché des médicaments généricables (c’est-à-dire des médicaments du répertoire pour lesquels existe un générique). Ce taux satisfaisant demande à être confirmé dans les années à venir. Cela dépend de l’attitude de tous les acteurs : le malade, le médecin prescripteur et le pharmacien qui dispose du droit de substitution depuis 1999 (sauf si l’ordonnance indique qu’il ne doit pas s’exercer).

Il faut espérer que l’éventail des médicaments génériques continue à s’élargir et que le taux de vente des génériques s’accroisse encore, car c’est 246 millions d’économie qui auraient pu être réalisés en 2003 si tous les médicaments généricables avaient été vendus sous la forme d’un générique. Le gouvernement dispose aussi d’un outil pour accroître la part des génériques dans les groupes où leur pénétration est jugée insuffisante : c’est l’application généralisée du TFR. La mobilisation des pharmaciens est un élément fondamental pour atteindre cette progression.

Ainsi une liste de 38 molécules pour lesquels il est recommandé aux pharmaciens d’exercer prioritairement leur droit de substitution vient d’être publiée par les syndicats professionnels.
Il serait souhaitable que le CEPS (Comité économique des produits de santé) s’intéresse autant aux prix des médicaments du répertoire qu’à celui des génériques.

7. Le bon usage des médicaments

La campagne lancée par la Cnam pour un bon usage des antibiotiques vient de montrer qu’il est possible de conjuguer à la fois des pratiques favorisant la santé et conduisant à une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Ce type de campagne plus spécialement dirigée en direction des enfants pourrait être étendu à d’autres usages de médicaments et à d’autres classes d’âge. On peut penser ainsi aux psychotropes dont la France est un des plus gros consommateurs du monde et plus spécialement les femmes. A partir de 50 ans, la moitié d’entre elles en consomment. Les antidépresseurs et les antipsychotiques représentent environ 9% des remboursements effectués en 2003 et cette part est en forte croissance

8. Quelques idées de solution

Avoir une approche médicalisée de la maîtrise des dépenses de médicaments est un sujet complexe parce qu’il fait appel à la responsabilité de plusieurs acteurs, d’abord celle des malades normalement attachés à leur santé, ensuite celle des professionnels (médecins prescripteurs et pharmaciens) qui doivent être sensibles à cette question et faire preuve de pédagogie vis-à-vis des malades. La responsabilisation de tous, en évitant tout risque de culpabilisation, est un élément fondamental. Pour avoir des chances de succès, cette responsabilisation doit reposer sur une information claire, objective et indépendante.

L’amélioration de la capacité de recherche publique devrait conduire à une meilleure appréciation de l’efficacité des produits mis en vente par les laboratoires pharmaceutiques et des conditions effectives de prescription des médicaments.

De plus, la politique des prix des médicaments doit être menée en tenant compte de la qualité des médicaments (sûreté, service médical rendu, utilité) et des aspects sociaux et collectifs, car la prise en charge des remboursements de médicaments par l’Assurance maladie correspond à une socialisation des dépenses. C’est pourquoi la présence de trois représentants de l’Assurance maladie et d’un des organismes de complémentaire santé au CEPS (comité économique des produits de santé) va dans le bon sens puisque l’une des attributions de ce comité est la fixation des prix de vente des médicaments.

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