La rentrée sociale de la CFDT
Virginie Aubin, secrétaire confédérale en charge du dossier retraite, répond à nos questions.
Quels sont pour la CFDT les grands sujets de la rentrée sociale ?
Les grands sujets de la rentrée concernent en premier lieu la lutte contre la progression des inégalités. Avec les partenaires du Pacte du pouvoir de vivre, nous demandons la revalorisation des minima sociaux, qui ont « décroché » depuis plusieurs années. De même, la transition écologique ne peut se faire sans mesures de justice sociale.
Autre sujet : la crise des urgences, et plus généralement, la situation des hôpitaux et des Ehpad. Le dialogue social dans les entreprises, avec la mise en place des CSE (Comité social et économique) est une autre priorité. La CFDT veut également que le travail redevienne un sujet majeur de négociation avec le patronat : organisation du travail, la santé au travail, les conditions de vie au travail. Et la réforme des retraites !
Comment la CFDT se positionne-t-elle dans la concertation sur la réforme des retraites ? Quels sont les points qu’elle souhaite voir précisés ou revus ?
La CFDT a participé pleinement à la première phase de concertation, et elle va continuer de porter ses revendications dans la phase qui s’ouvre aujourd’hui jusqu’en décembre 2019. Est-ce utile de rappeler que la CFDT milite pour une réforme systémique depuis… 1998 !
Nous sommes demandeurs d’une réforme qui harmonise les droits à la retraite des travailleurs, quel que soit leur statut, afin de réduire les inégalités qui existent dans notre système actuel – les polypensionnés, premiers perdants aujourd’hui. Elle demande que la réforme soit porteuse de justice, de progrès social, mais aussi de droits nouveaux.
Un certain nombre de propositions vont dans le bon sens : système par répartition, contributif et solidaire, par points, universel mais non uniforme, avec des droits dès le premier enfant, la prise en compte des aléas de carrière et de vie… Mais le rapport ne va pas assez loin sur la prise en compte de la pénibilité du travail. De même, le niveau du minimum de pension doit être réévalué : il serait fixé à 85 % du Smic – nous revendiquons depuis de nombreuses années 100 % du Smic pour une carrière complète.
Sur la revalorisation des pensions, le rapport prévoit une indexation sur l’inflation, mais il serait plus juste de faire évoluer les pensions en solidarité avec les salaires.
Enfin, la retraite progressive est un dispositif qui n’est pas assez développé dans le rapport Delevoye. L’aménagement des fins de carrières, le droit à une retraite choisie et non subie doivent faire partie de la réforme des retraites. La retraite n’est plus aujourd’hui une « assurance vieillesse », c’est devenu un véritable temps de la vie. Les travailleurs doivent pouvoir profiter de ce temps en bonne santé et avec un revenu décent.
Nos lignes rouges concernent la mise en place d’un âge du taux plein uniforme à 64 ans, mesure injuste et inutile. Injuste, parce que nous entrons dans la vie active à des âges différents et que nos carrières sont différentes en termes de conditions de travail et de pénibilité. Inutile, parce que l’équilibre du système actuel ne nécessite pas de manipuler l’âge ou la durée de cotisation. L’évolution des dépenses de retraite est maîtrisée avec les efforts réalisés lors des réformes passées. Aussi la CFDT s’oppose à toute mesure qui viserait à réduire les droits à la retraite, que ce soit une mesure d’âge ou d’allongement supplémentaire de la durée au-delà de 43 ans.
Comment pourrait s’organiser la gouvernance du nouveau système de retraites ?
La gouvernance du futur système esquissée dans le rapport Delevoye ne nous donne pas suffisamment de garanties sur la place des partenaires sociaux au regard de celle de l’État. Pour la CFDT, la future gouvernance doit aller jusqu’à un pouvoir de codécision pour les partenaires sociaux, qui ont montré leur capacité à gérer de manière responsable les régimes de retraite complémentaire (Agirc-Arrco, Ircantec).
Un simple rôle consultatif, comme actuellement dans les caisses de sécurité sociale, est insuffisant. Les partenaires sociaux doivent pouvoir agir sur tous les paramètres pour piloter ce nouveau système. C’est l’un des enjeux de la deuxième phase de concertation.
Propos recueillis par Nicole Chauveau