UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Notre activité


La tragédie des Malgré-nous


Pierre, Alsacien, n’a pas de bons souvenirs de son séjour en Ukraine. Il était l’un des incorporés de force, les « Malgré-nous ». Sa famille et ses amis ont connu le drame des 135 000 Alsaciens et Mosellans enrôlés dans la Wehrmacht, l’armée allemande, de 1943 à 1945.

Début 1944, le régiment de Pierre combat près de Krivoï Rog, aujourd’hui Kryvyï Rih, située dans la région de Dniepropetrovsk, ville d’Ukraine sur le Dniepr. Le 17 février 1944, il reçoit des éclats à la tête et aux mains provenant d’une roquette tirée d’un orgue de Staline. Le genou est touché. Une balle l’a traversé de part en part. Il panse la blessure lorsque les Russes arrivent. Il voit ses camarades tués d’un coup de mitrailleuse. Un Russe l’aperçoit, lui donne un coup de crosse sur le casque d’acier. Il s’effondre inanimé.

Il a su par la suite que, lors d’une contre-attaque, un camarade de sa compagnie l’a ramassé et transporté dans un hôpital de campagne. Les Russes reprendront la ville le 22 février 1944. Soigné, Pierre réussira à déserter le 25 novembre.

Ce fut une période pénible pour lui et pour tous ceux qui sont revenus. Pierre a eu beaucoup de chance. Un quart de ces Alsaciens et Mosellans ne reviendront pas.

D.R.

Incorporés de force

Pour quelle raison étaient-ils en Ukraine ? Pour éviter les désertions, ils étaient éloignés et envoyés à l’est. En Alsace, le chef des services allemands, le « Gauleiter » Robert Wagner, avait déclaré en 1940 que l’Allemagne n’avait pas besoin des Alsaciens pour gagner la guerre. Vaines paroles ! Il a sollicité lui-même auprès d’Hitler l’autorisation de mobiliser les jeunes Alsaciens dans l’armée allemande. Ceci, contrairement au droit inaltérable des peuples, car aucun traité de paix n’avait été signé entre la France et l’Allemagne rattachant l’Alsace au Reich allemand.

Le Gauleiter Bürckel, chef des services civils en Moselle, a institué le service militaire obligatoire pour les Mosellans dès le 19 août 1942, le Gauleiter d’Alsace le 25 août 1942. Les premiers conseils de révision déclenchent de véritables tollés. Refuser ou déserter, c’était vouer les siens à la déportation, à la mort lente. La famille des réfractaires était sanctionnée et transplantée.

Le retour en Alsace

Albert, le cousin de Pierre, déserteur lui aussi, est rentré le 18 mai 1945. Il écrira : « Comme de nombreux camarades incorporés de force, j’étais complètement déphasé par rapport à mon environnement, par rapport à ces fêtes de la Libération avec musique et bals. Je me sentais étranger à ce tintamarre, et puis on vantait la Résistance, tandis que nous étions les soldats honteux. J’avais bien conscience que nous n’avions pas pris part à la victoire.

Pourtant, tous les Alsaciens n’étaient pas engagés dans la Résistance. Cette Résistance concernait une minorité surtout fin 1944 et 1945. Parmi les Alsaciens, il y avait aussi des nazis. Des chambres civiques ont été créées pour les juger… »

[Denis Ritzenthaler

Une indemnisation en 1984

En 1979, un accord est conclu entre l’Allemagne et la France en vue du règlement de l’indemnisation des Malgré-nous d’Alsace-Moselle. Un budget de 750 millions de francs pour les 100 000 survivants. Le premier versement de l’Allemagne est intervenu en juin 1984. Chacun a reçu, au total, 1 143,37 euros, soit 750 millions de francs divisés par 100 000.
Ce dispositif a totalement ignoré les Malgré-elles. Alsaciennes et Lorraines furent contraintes de rejoindre les formations paramilitaires qu’étaient le Reichsarbeitsdienst (service du travail du Reich) et le Kriegshilfsdienst (service auxiliaire de guerre).

Pour en savoir plus Déportés militaires & « Malgré-Nous - Albert RITZENTHALER : Mes souve­nirs de la guerre 1939–1945 ».