UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Actu revendicative


Les leçons de l’amiante pour les AT-MP


Un arrêt du ministère des affaires sociales, publié au JO du 14 décembre 2002 permet l’entrée des représentants du MEDEF au conseil d’administration du FIVA (fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante).

Que le MEDEF revienne dans le monde paritaire à la Sécurité sociale, ce n’est pas choquant : par contre, qui’il vienne brutalement au FIVA, sachant qu’il y a des enjeux financiers « explosifs » pour les entreprises, c’est inquiétant.
Pour siéger au FIVA, il faut siéger dans la branche des accidents du travail et maladies professionnelles ; le MEDEF a quitté toutes les instance de Sécurité sociale en octobre 2001.

Cette position du gouvernement a suscité de virulentes réactions des associations de défense des victimes et des organisations syndicales ; ils envisagent d’introduire un recours de la Conseil de Etat.

Pour les syndicats et les associations, cette péripétie témoigne de la volonté de François Fillon de « réviser » à la baisse le montant des réparations.

Ces orientations sont d’autant mois anodines que, dans ses statuts fondateurs, le FIVA peut et doit se retourner contre les entreprises dont les salariés ont été contaminés, parmi lesquelles les Chantiers Navals, Alsthom, Saint-Gobain, la SNCF, EDF, mais aussi l’Etat pour ses propres employés.

La réparation intégrale en toile de fond

Si les débats autour de l’indemnisation des victimes de l’amiante sont si âpres, c’est que le dossier renvoie inévitablement à l’éventuelle mise en œuvre de la réparation intégrale pour tous les risques professionnels.
En accordant aux victimes de l’amiante une réparation intégrale de leurs préjudices, Martine Aubry a fragilisé un peu plus le système d’indemnisation forfaitaire de la branche « accidents du travail et maladies professionnelles ». Le rapport de Roland Masse, comme celui de la Cour des comptes (février 2002) : « un dispositif obsolète, complexe et discriminatoire, inéquitable et juridiquement fragile ».

Les travaux menés par Michel Yahiel à la demande d’Elisabeth Guigou ont aussi montré que la réparation intégrale était une équation aux multiples inconnues.
Ce qui se passe aujourd’hui pour le FIVA, nous aurons demain à le traiter progressivement pour l’ensemble de la réparation de AT/MP¨d’où l’importance des choix opérés pour l’amiante.

Evolution de la couverture sociale des accidents et maladies professionnelles

Avant 1898, 90% des accidents du travail restaient à la charge des ouvriers, la victime devait établir la preuve d’une faute de son employeur devant un tribunal civil.
La loi de 1898 (18 années de débats acharnés au Parlement pour voter ce texte) apparaissait comme une avancée sociale indéniable.

Concept nouveau : tout accident survenant pendant le temps et au lieu du travail doit être considéré comme accident du travail ; il n’est plus nécessaire de prouver une quelconque faute de l’employeur, il y a « présomption d’imputabilité ».
Le dispositif sera régulièrement complété :
 en 1919, un système voisin est mis en place pour les maladies professionnelles,
 en 1946, les textes relatifs aux accidents du travail et aux maladies professionnelles sont intégrés à la législation de la Sécurité sociale.

La loi de 1898 améliorait le système de réparation des accidents et maladies professionnelles des salariés tout en garantissant l’immunité de l’employeur et l’absence de poursuite devant une juridiction civile de la part de la victime ou de ses ayants droits, sauf à prouver que l’employeur avait commis une faute inexcusable.

Un compromis dépassé

Aujourd’hui, pour de nombreux observateurs, ce compromis de 1898 est dépassé ; cet avantage s’est érodé au fur et à mesure que les tribunaux et le législateur amélioraient les systèmes d’indemnisation des dommages corporels.
Les tribunaux ou les fonds d’indemnisation : accidents de la route, contamination sanguine par le VIH, exposition à l’amiante, erreurs médicales, attentats et actes de terrorisme...accordent aux victimes la réparation intégrale des préjudices subis.

L’exemple couramment donné est l’explosion de l’usine AZF à Toulouse ; les victimes seront mieux indemnisées si elles ont été frappées de l’autre côté de l’enceinte de l’usine que si elles étaient salariées du site chimique.
Pour ces dernières, c’est la réparation intégrale de droit commun qui sera appliqué « tous les préjudices seront pris en compte ».

Autre dysfonctionnement : la sous déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles met à la charge de l’assurance maladie des dépenses qui devraient être prises en charge par la branche AT/MP (estimation du montant du transfert pour cette année : 368 à 550 millions d’euros) : la branche AT/MP est abondée par les employeurs.

Une évolution inéluctable

L’évolution vers la réparation intégrale semble aujourd’hui inéluctable, mais il reste des inconnues de taille, notamment les niveaux d’indemnisation.
En France, l’indemnisation du dommage corporel est largement contrôlée par les compagnies d’assurances privées, peu réputées pour leur générosité envers les victimes.
L’ex-numéro 2 du MEDEF, Denis Kessler, également président de la fédération française des sociétés d’assurances, n’a jamais caché ses intentions de voir la branche AT/MP de la Sécurité sociale privatisée !!

Les difficultés que rencontrent les organisations syndicales et les associations de victimes pour l’établissement des barèmes d’indemnisation au FIVA sont explicables par les enjeux financiers et politiques avec un gouvernement de droite qui soutient les intérêts du patronat.

Le droit légitime et équitable d’une juste réparation des accidents et maladies provoqués par le travail est une préoccupation constante que la CFDT défendra avec le concours des autres organisations syndicales et des associations de victimes.

AT/MP : Accidents du travail / Maladies professionnelles