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Budget de l’Union européenne : difficultés pour temps de crise !


Réunis à Bruxelles les 22 et 23 novembre derniers, les dirigeants européens se sont séparés sans avoir trouvé d'accord sur le « cadre financier » communautaire 2014-2020. Prochain rendez-vous sur le sujet, début 2013. Au-delà des jeux politiques, explications sur les enjeux en débat.

Le budget 2011 de l’Union européenne s’élève à 141,9 milliards d’euros en crédits d’engagements soit l’équivalent de 1,13% du PIB de l’UE. Ces montants respectifs sont faibles au regard des besoins et des responsabilités communes de l’UE.

Pour l’exercice 2013 le projet de budget présenté par la Commission le 25 avril 2012 représente également l’équivalent de 1,13% du revenu national brut (1).

D’où vient l’argent ?

Les ressources de l’UE proviennent de ressources propres et de quelques autres recettes. En 2012 les ressources se répartissent entre 73% pour le RNB, 15% pour les droits de douane et les cotisations sucre, 11% pour la TVA et 1% autres recettes.

Le débat budgétaire actuel est l’occasion de se poser, à nouveau, la question de l’accès à des ressources stables et autonomes pour l’UE d’autant qu’en l’état 85% des ressources proviennent des contributions nationales.

Sont de nouveau évoquées trois solutions. Un impôt européen aurait l’avantage d’établir un lien direct entre le citoyen et l’Europe. Mais il ne verra sans doute pas le jour de sitôt. Une autre piste est celle de l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés et l’affectation d’une partie au budget de l’UE. Troisième piste, plus récente et peut-être plus accessible, la destination de tout ou partie du produit d’une taxe sur les transactions financières. Basée sur une assiette large et un taux réduit, elle pourrait concerner les échanges d’actions et d’obligations sur le marché secondaire ainsi que sur les produits dérivés. 85% des transactions pourraient ainsi être taxées. La recette attendue pourrait être de l’ordre de 37 milliards pour le budget de l’Union en 2020.

Où va l’argent ?

Le cadre financier pluriannuel définit des montants maxima (plafonds) pour chaque grande catégorie de dépenses (rubriques) pour une période limitée.

Celui de 2007-2013 (adopté en mai 2006) a fixé trois grandes priorités pour la période :
 intégrer le marché unique dans un objectif plus large de croissance durable avec des objectifs de compétitivité, de cohésion, de conservation et de gestion des ressources naturelles ;
 renforcer la citoyenneté européenne en mettant en place un espace de liberté, de justice, de sécurité et d’accès aux biens publics de base ;
 construire un rôle cohérent pour l’Europe en tant qu’acteur mondial.

Le renouvellement de ce cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 fait actuellement l’objet d’âpres négociations au sein du « trilogue » : Conseil (États), Commission et Parlement européen.

Quelle est la part de la France au budget de l’UE ?

En 2012, la part de la France est de 20,6 milliards soit 16,4% des ressources de l’UE derrière l’Allemagne (19,9%). Cependant en solde net (contributions au budget de l’UE moins les dépenses de l’UE pour la France) la France est considérée comme un contributeur de second rang car elle est un important bénéficiaire de la politique agricole commune (PAC).

Les enjeux budgétaires

Les citoyens européens se perdent dans les différents débats budgétaires européens. Se déroulent en même temps les discussions sur le bouclage 2012, sur le budget 2013. S’y ajoutent également les propositions de la Commission concernant le cadre financier pluriannuel 2014-2020.

À ce chevauchement se superposent les interventions des différents acteurs : Commission, Conseil européen, Parlement européen sans oublier la présidence (chypriote) et le président du Conseil européen (M. Van Rompuy).

Clarifions donc les enjeux. Ainsi pour 2012 (en novembre) la Commission demande aux États membres une rallonge de 8,9 milliards pour combler les trous des programmes Erasmus et du Fonds social européen. Plusieurs États, l’Allemagne, France, Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas, Finlande, Danemark, Autriche s’opposent à cette demande.

Pour le budget 2013, on retrouve la même problématique. Le projet de la Commission prévoit 138 milliards d’euros de dépenses soit une hausse de 9 milliards (+6,8% par rapport à 2012). Cette fois sept « contributeurs nets » : Royaume-Uni, France, Allemagne, Finlande, Suède, Pays-Bas et Autriche refusent toute augmentation de leur quote-part et veulent réduire le projet de 5 milliards pour limiter la hausse des dépenses à 2,8%.

Quant au « cadre financier pluriannuel » (CFP) (2014-2020) présenté par la Commission fin juin 2011, il se présente pour l’essentiel ainsi :

2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Total des crédits d’engagements 142,5 144 145 146,3 147,3 148,9 150,7
En % du RNB 1,08 1,07 1,06 1,06 1,05 1,04 1,05

Cette complexité illustre bien le fait que les négociations entre les différentes « parties prenantes » soient difficiles. Le Conseil européen de fin novembre n’y a pas suffi.

Le rabais anglais

La complexité des budgets européens est accrue par la question du rabais accordé au Royaume-Uni en 1984. De plus, depuis 2000, quatre États (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Suède)ont obtenu de ne payer qu’un quart de leur part de la correction britannique.

À cela il faut ajouter la difficulté qui résulte du redéploiement des dépenses agricoles. Elles représentaient 70% du budget en 1985, 40% aujourd’hui. Et cette ligne budgétaire bénéficie principalement aux agriculteurs français !

Un changement

Les débats budgétaires européens sont donc à suivre avec d’autant plus d’attention que l’approche développée par les États « contributeurs nets » (ceux qui versent plus qu’ils ne reçoivent) est venue depuis quelques années « polluer » l’approche par la solidarité qui devrait normalement prévaloir. Car le budget européen demeure un levier pour la croissance et l’emploi. Pour cela deux voies peuvent être privilégiées : le budget lui-même et la mise en œuvre des décisions du Conseil européen de juin.

Sur le budget : contrairement à une idée polémique répandue, l’administration de la Commission de Bruxelles n’est pas pléthorique. Les dépenses « administratives » représentent à peine 6% du budget. La Commission emploie près de 33 000 fonctionnaires et agents. À titre de comparaison, la Ville de Paris en emploie plus de 55 000. Le budget européen est orienté à 94% sur des problématiques et des projets de moyen et long terme.

Avec l’adoption du « pacte pour la croissance et l’emploi » le Conseil de juin 2012 a ouvert une nouvelle donne qui permet de ne pas raisonner exclusivement en termes de plans d’austérité. Il prévoit 120 milliards d’euros (l’équivalent d’environ 1% du revenu national brut de l’UE) dont une augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement de 10 milliards afin d’accroître d’un montant de 60 milliards sa capacité totale de prêts. 55 milliards sont consacrés à dynamiser les PME et l’emploi des jeunes. 4,5 sont enfin affectés à des projets pilotes portant sur les infrastructures essentielles dans les domaines des transports, de l’énergie et du haut débit.

Ces montants ont parfois été considérés comme insuffisants. Ils illustrent un changement, dans la politique européenne actuelle et complètent les moyens propres du budget.

Réorienter l’Europe vers plus de croissance et d’emploi est indispensable. Le budget, en cours de discussion est un moyen qui peut et doit y contribuer.

Jean-Pierre Moussy

(1) RNB : agrégat qui traduit la valeur nominale de tous les biens et services pour une année( soit le PIB plus les revenus obtenus à l’étranger par les résidents moins les déboursements à l’étranger).

Un rendez-vous manqué pour jeter les bases du budget européen 2014-2020. (crédit photo Europa)