UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

Notre activité


(7) Des rapports au CERC pour décrire la réalité et la dénoncer


Nous sommes fiers d'avoir pu nous entretenir avec Jacques Delors. Cet homme mondialement connu, reconnu et honoré dans tous les pays européens, acteur de l'évolution de la CFDT en 1964, reste un adhérent de la CFDT, à présent comme retraité. Un entretien exceptionnel avec un homme exceptionnel. Nous avons découpé cet entretien en huit parties. Entretien exclusif avec Jaques Delors.

Huit années à la présidence du CERC, cela compte ?

Jacques Delors. Un peu d’histoire d’abord. Le CERC (Centre d’études des revenus et des coûts) est créé à la suite de mon rapport sur la politique des revenus en 1964 lorsque je travaillais au Commissariat général au plan. A cette époque, l’information économique est beaucoup plus faible qu’aujourd’hui.

Le CERC – dans sa première formulation - n’avait jamais été accepté par les « pompidoliens » M. Balladur, devenu Premier ministre, le transforme en CSERC.

Finalement, la gauche rétablit l’actuel CERC (Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale). Lionel Jospin, Premier ministre, me demande en 2000 de le présider et de le lancer.

Contrairement à d’autres organismes du Premier ministre, il a un Conseil indépendant qui choisit ses sujets de travail. Il peut être saisi par le Gouvernement ou par le Parlement. Il publie, en plus des rapports thématiques (1), un rapport sur l’évolution pluriannuelle. « La longue route vers l’euro » date de 2002. En 2007, nous avons produit un autre document sur « La France en transition » portant sur l’évolution en France couvrant la période de 2003 à 2005.

Que dit ce rapport sur l’évolution de la France ?

Jacques Delors. « La France en transition » fait la part des choses entre les Français qui râlent et ceux ayant des raisons de se plaindre. Nous avons même dénoncé le manque de compétitivité flagrante de l’économie française. C’est en effet notre talon d’Achille numéro un.

Si on ajoute aux inégalités traditionnelles, les temps partiels, les emplois précaires et les familles monoparentales, nous avons les causes essentielles des inégalités.

Pour la hiérarchie des salaires, en moyenne, l’écart est de un à quatre. Mais pour les salaires perçus annuellement, l’écart passe de un à trente, cela montre l’impact négatif du non-emploi permanent. Ce rapport met en exergue les gens qui souffrent réellement. On y fait référence aux petites retraites et aussi à certains habitants des communes rurales.

Quelqu’un voulant trouver un boulot et vivant dans une commune rurale a besoin d’une auto, soit au moins 200 euros de frais par mois (250 euros avec la hausse du prix de l’essence). Si on lui offre un salaire de 1 000 euros, qu’est-ce qui lui reste pour vivre ? Mais ce rapport est passé inaperçu !

Et les autres travaux du CERC ?

Jacques Delors. Nous avons beaucoup contribué aussi pour tout ce qui concerne le marché de l’emploi et nous avons soutenu la CFDT pour la mise en place du Pare (plan d’aide au retour à l’emploi). Nous avons beaucoup travaillé sur l’emploi et la réintégration dans le marché du travail. Quand le salaire n’est pas suffisant, la solution n’est pas la prime pour l’emploi, mais une meilleure politique salariale.

Le rapport ayant eu le plus de succès porte sur les enfants pauvres.

Le dernier rapport publié découle d’un cri que j’ai lancé : il y a chaque année 180 000 jeunes qui sortent du système d’enseignement sans diplôme ; 110 000 de l’enseignement secondaire et 70 000 de l’université.
Le thème du rapport porte donc sur « que faire pour ces 180 000 exclus ? ». Que faire en attendant une réforme idyllique de l’enseignement donnant à tous ces jeunes leur chance ?

C’est mon combat essentiel après celui sur la formation permanente. J’estime que chaque enfant a un trésor au fond de lui-même et que c’est au système éducatif et à la famille de le faire sortir. C’est l’égalité des chances. Notre société est trop fondée sur l’inné, y compris la famille, bien sûr, et pas assez sur l’acquis.

(1) Parmi les rapports du Cerc citons « La sécurité de l’emploi », « L’accès à l’emploi et la protection sociale », « Éducation et redistribution », « Les enfants pauvres », « Les services à la personne », et en 2008 « Un devoir national : l’insertion des jeunes sans diplôme ».

Entretien exclusif avec Jacques Delors

Sommaire d’un dossier spécial de 11 articles :
 (1) Jacques Delors, un désir permanent d’améliorer la société
 Lexique
 (2) L’Europe : « la compétition stimule, la coopération renforce, la solidarité unit »
 (3) L’agriculture n’est pas une activité comme les autres
 (4) Jusqu’où élargir l’Europe ?
 (5) « Pour une politique commune de l’énergie »
 (6) « La convention collective summum du socialisme démocratique »
 (7) Des rapports au CERC pour décrire la réalité et la dénoncer
 (8) Écartés avant la retraite, oubliés après
 Qui est Jacques Delors ?
 Le livre des « Mémoires » de Jacques Delors