L’an 2 du Droit au logement opposable
En votant le droit au logement opposable (Dalo) en avril 2007, le Parlement a doté la France d'une loi incroyablement ambitieuse. Elle porte au rang des droits fondamentaux celui de pouvoir accéder à un logement, quitte, depuis décembre 2008, à engager un recours auprès des tribunaux administratifs et à faire condamner l'État. Bilan en demi-teinte par le Comité de suivi de la loi.
Au 30 septembre 2009, 124 097 recours ont été déposés devant les Commissions départementales de médiation pour le droit au logement opposable par des personnes dépourvues de toit, par d’autres menacées d’expulsion, ou d’autres encore en situation de surpopulation ou de logement indigne. Elles sont de bonne foi, ont engagé de nombreuses démarches préalables auprès des organismes bailleurs ou des services municipaux. En vain.
Depuis que la loi existe, le rythme des recours ne faiblit pas : 5 450 dossiers sont déposés chaque mois. Avec des différences territoriales très fortes. L’Île-de-France représente à elle seule 2/3 des demandes. Et Paris 20 % des recours nationaux, avec des délais de 7 mois et plus pour l’instruction des dossiers. L’activité en province est aussi contrastée. Dix départements enregistrent plus de 50 recours par mois alors que 58 départements en ont moins de 10.
L’État condamné pour non respect de la loi
Le deuxième goulot d’étranglement vient du manque de moyens des commissions dans les départements les plus chargés : Île-de-France et Bouches-du-Rhône. Selon le Comité de suivi, il faut rendre visible les critères de décision des commissions. Comment expliquer en effet que les taux de rejet d’un département à l’autre varient en 12 % et 74 % ?
Troisième entonnoir, après les décisions de la commission, les préfets doivent les mettre en œuvre. La majorité des préfectures honorent leurs obligations. D’autres sont en situation d’échec. Au total, 7 250 ménages prioritaires n’ont pas reçu des services préfectoraux une offre de logement dans le délai légal, dont 5 500 à Paris ! L’ouverture du recours contentieux depuis décembre 2008 fait que l’État est désormais condamné par les tribunaux administratifs pour non respect de la loi. Un comble !
Le déshonneur de la France
Personne ne nie les tensions sur le marché du logement. Mais certains départements de province ayant beaucoup de recours parviennent à reloger les demandeurs en respectant les délais. « Affaire de hiérarchisation dans les choix politiques » dénoncent plusieurs observateurs. Mais aussi anticipation, adaptation de l’offre de logement, participation du 1% logement à la solution. Et surtout respect des engagements.
Selon Étienne Pinte, député des Yvelines, et père de la loi, les mises en chantier de logements ont diminué de plus de 20% depuis septembre 2008. Par rapport aux objectifs de 500 000 logements par an, il en a été mis en chantier 425 000 en 2007, et… 370 000 en 2008. »
Lors des dernières campagnes présidentielles, nombre de candidats ont su afficher le déshonneur de la France de laisser à la rue ou dans des logements insalubres trop de personnes et de familles. La garantie d’un toit ne serait-elle pas à leurs yeux celle qui conditionne la formation, l’emploi, la santé et le lien social ?
Daniel Druesne
La pression du chiffre ?La pression du chiffre sur la police - reconduites à la frontière, sécurité - est sans commune mesure avec l’obligation faite par la loi à l’Etat de reloger en cas d’expulsion. « Pour les 12 000 cas d’expulsion ayant nécessité la force publique en 2008 des préfets signent l’ordre d’intervention mais se soustraient sans sourciller à leur obligation de relogement » soulignent nombre d’observateurs. Vous avez dit prioritaire ?