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Action internationale


Les défis pour l’Europe, selon Jacques Barrot, commissaire européen


Jacques Barrot, est vice-président de la Commission européenne, en charge des dossiers « Justice – Libertés – Migrations ». Commissaire européen depuis 2004, il a exercé plusieurs mandats politiques en France au titre de l'UMP.

D’abord en charge des transports, Jacques Barrot est depuis avril 2008 le commissaire européen chargé de « justice, liberté, sécurité ». Il a exercé plusieurs mandats politiques en France (maire, président de conseil général, député) et a été plusieurs fois ministre.

Il débute son intervention en considérant que l’Europe n’en pas fait assez : un signal plus fort doit être envoyé. C’est le message qu’il lance notamment auprès du président de la Banque centrale européenne. À son sens, la régulation financière a pu être opérée notamment vis-à-vis des agences de notation, des fonds titrisés et des rémunérations variables. Et la Commission européenne ouvre le dossier des paradis fiscaux.

Défi économique et social.

Cependant, l’impact de la crise financière est maintenant économique et social. Le premier défi que Jacques Barrot estime devoir être relevé par l’Europe est social. Rapportant les propos tenus par Jacques Delors à qui il importait de « sauver l’investissement humain », il défend cette idée qu’il faut préserver les compétences des salariés dans cette crise. L’Europe doit conserver son industrie. Il évoque la nécessité d’accentuer les efforts du Fonds social européen. L’un des fonds d’aide, le Fonds d’ajustement à la mondialisation, abondé à hauteur de 1 milliard, est seulement utilisé à ce jour à hauteur de 65 millions d’euros. Dans cet esprit, il insiste également sur la nécessité de préserver, au maximum, les entreprises fortement utilisatrices de main-d’œuvre, particulièrement l’industrie.

Défi du développement durable.

Jacques Barrot considère que l’Europe doit relever un deuxième défi, majeur, celui « d’un développement plus durable » : il s’agit « d’éliminer le plus possible les causes du réchauffement climatique ». Il cite la conséquence la plus visible dès à présent : la sécheresse et les déplacements de populations en résultant. Il met en avant les objectifs les plus nécessaires, comme la réussite du plan sur les quotas (CO2), le développement des énergies nouvelles et renouvelables, les économies d’énergie mais aussi la nécessaire conservation du nucléaire.

Défi de la solidarité Nord Sud.

Le troisième défi que Jacques Barrot évoque pour l’Europe est le développement et la solidarité Nord Sud. L’Union européenne arrive en tête de l’aide avec 50 milliards d’aide pour l’ensemble des États membres. Cette aide reste ciblée sur les zones urbaines. Certes plus de la moitié de la population mondiale vit en ville. Alors qu’en Afrique c’est très différent puisqu’il s’agit d’une population essentiellement agricole : mais seulement 4% des aides sont accordées aux agriculteurs ! Alors qu’il faut les aider afin de développer les cultures vivrières en faveur de leur population.

La question de l’eau pèse aussi. La tragédie du Darfour est largement due aux problèmes d’eau. De nombreux conflits régionaux sont largement dus aux problèmes de ressources en eau. L’Europe agit pour la paix. Les actions au Kosovo sont nombreuses et fortes pour l’Europe. Il en est de même en Afrique. Mais le renforcement de l’engagement européen souhaité par Jacques Barrot doit se faire en faveur du Moyen-Orient : l’Europe n’y est pas un acteur majeur car elle se contente de suivre la politique américaine ce qui est dommageable…

Défi des flux migratoires.

Jacques Barrot aborde enfin la lourde question des flux migratoires, difficile à affronter en cette période de crise mondiale. Il confie son sentiment de légitimité de ces mouvements, souvent en provenance de l’Afrique. Ces pauvres gens « souvent récupérés par des exploiteurs » selon ses termes, passent dans des conditions inhumaines : il y a eu 2 000 morts l’année dernière. Il faut cependant avoir conscience que si nous devons refuser l’immigration irrégulière, en Europe nous avons besoin d’une immigration régulière « pour faire le travail » car le taux d’enfants par femme n’est que de 1,5 sauf en France. Il faut que « les esprits soient plus ouverts à ces immigrés que nous devons accueillir et intégrer ».

La gestion des flux migratoires est nécessaire à son sens, mais ne pourra se faire qu’en négociant avec les pays d’origine même si ces partenariats se révèlent quelquefois chaotiques.
La situation des demandeurs d’asile est particulière. Jacques Barrot veut créer « une Europe de l’asile ». Nous avons autour de 200 000 demandeurs d’asile par an. Il faut accueillir des gens qui ne peuvent pas rester chez eux parce qu’ils sont persécutés. La situation est très différente d’un pays à l’autre et les possibilités d’installation variables selon les pays : ainsi la Slovaquie, la Grèce… n’instruisent que peu de dossiers. Son hypothèse de travail : une harmonisation commune à tous les pays de l’Union. Ce fardeau doit être réparti. La Suède est la plus courageuse.

Rebondir ou se replier sur soi ?

Répondant aux interrogations et aux questions de l’assemblée, Jacques Barrot reprend à son compte l’idée que la crise est certes une difficulté mais qui pourrait être vue comme un atout, une occasion : il estime en effet, qu’il y a deux choix, celui de rebondir ou celui de repli sur soi, et là le pire est à craindre. On ne peut pas dire quel est le choix opéré à ce jour.

Une interrogation sur l’évolution de la zone euro dans cette période de crise, l’amène à dire que cette zone a constitué une protection (pas de dévaluation). Cependant, la cohésion n’est pas totale, même si certains pays de l’Union lorgnent vers l’euro : ce manque de cohésion peut être préjudiciable…

Il ne partage pas l’idée d’un trouble provoqué dans l’équilibre Parlement / Commission par le passage de la présidence française : il estime plutôt qu’il a « dépoussiéré » l’Europe ! Cependant, il souligne un défaut français qui consiste à laisser aller quand la France n’est pas au devant de la scène ! Il ajoute que la Commission s’affaiblit aussi par son attentisme derrière les chefs d’État : elle devrait revenir à une position plus offensive.

Concurrence et services publics.

Concernant la question de la concurrence dans les transports, Jacques Barrot est ferme sur ce point en soutenant que « la RATP ne peut prendre des marchés à l’extérieur et garder une position monopolistique en France ! ». Sans aller jusqu’à la déréglementation – comme en Grande-Bretagne – la concurrence pourrait être bénéfique sur des lignes régionales par exemple et aussi, à son sens, au bénéfice du service public.

En écho au propos visant à parler d’harmonisation sociale plutôt que de concurrence, Jacques Barrot qualifie cette position d’intéressante mais difficile, car favoriser l’harmonisation vers le haut n’est pas forcément la volonté de tous. De plus, la cohésion de l’ensemble amène à des mesures d’assise utiles même si elles sont insuffisantes.

Enfin, faisant sienne l’hypothèse d’une industrie moins « productrice » de pollution et donc de la nécessité d’investir, il estime que les pôles de compétitivité sont une bonne « trouvaille » française.

Abordant la question des flux migratoires, à partir du constat de l’écart en France entre le discours et la pratique – plus pragmatique – Jacques Barrot insiste en mettant en avant la politique d’asile en France, plutôt que le discours dur sur les flux migratoires, car cette politique affichée est préjudiciable à la bonne gestion de ces flux.

Jacques Barrot, remerciant son auditoire, a trouvé « très admirable de voir les retraités être attentifs et continuer à s’intéresser aux problèmes de société ».