Un siècle d’évolution de l’agriculture 2/6
La surface agricole actuelle de la France est inférieure à celle de 1850 mais elle permet de nourrir deux fois plus de Français et aussi d’exporter. Pour autant, l'agriculture a de nombreux défis à relever.
Sommaire du dossier
– Santé de la terre, des agriculteurs et des consommateurs 1/6
– Un siècle d’évolution de l’agriculture 2/6
– Les maladies professionnelles 3/6
– La CFDT présente aux Pyrénéennes 2021 4/6
– Le nouveau défi de l’agriculture et de l’alimentation 5/6
– La transition agroécologique ne pourra réussir sans associer exigences sociales et environnementales 6/6
À partir de la fin du XIXe siècle, les bases de l’agriculture actuelle sont posées avec la première mécanisation et les engrais de synthèse. Entre 1946 et 1960, les parcelles agricoles sont étendues, permettant à l’agriculteur de profiter pleinement du tracteur et de faciliter les récoltes. La mécanisation s’accompagne du remembrement et de l’exode rural. Comme la mécanisation rend les cultures plus rentables, les animaux sont délaissés, jusqu’à ce que se développent des élevages de volailles ou de porcs hors sol.
Dans les années 1980, les premiers produits phytosanitaires apparaissent et l’offre s’élargit aux insecticides puis aux herbicides. Avec le développement de l’adduction d’eau, le suivi des teneurs en pesticides finit par alarmer les consommateurs et les élus. Des associations organisent leur défense et accusent, jusque dans la presse grand public, l’utilisation du glyphosate, du chlordécone, des néonicotinoïdes.
Si la surface agricole actuelle de l’Hexagone est inférieure à celle de 1850, elle permet de nourrir deux fois plus de Français et aussi d’exporter. La spécialisation des régions agricoles s’est étendue à l’échelle continentale et mondiale. Le maraîchage en Espagne alimente désormais toute l’Europe. Les Pays-Bas, la Belgique, avec leur tomates, approvisionnent les supermarchés ! Les progrès de l’agronomie sous serre, la baisse du coût de l’énergie et du fret ont permis ce petit miracle. Les producteurs français n’ont pas su, pas pu ou pas voulu relever le défi. Environ 40 % de notre consommation de fruits est d’origine française, contre 72 % en 2000. En trente ans, près de 100 000 hectares de fruits et légumes ont disparu.
Manger en France aujourd’hui
Du poisson frais de l’océan Indien à Rungis, de l’agneau néo-zélandais frais dans les rayons des supermarchés, en concurrence avec les produits locaux… Le régime alimentaire a changé. Moins de pain, moins de vin, moins de légumes secs, davantage de produits laitiers, de viandes, de fruits et légumes frais et beaucoup de produits transformés (conserves, surgelés, lait UHT, boissons sucrées, plats cuisinés). Le sucre se retrouve partout. Si les cas d’intoxications alimentaires sont rares, les services de l’État détectent, parfois, dans nos aliments, des substances indésirables et souvent des traces de produits de traitement.
La baisse de la qualité et le manque de variété des aliments consommés, leur faible valeur nutritive sont associés au nombre croissant de cas d’obésité et de maladies chroniques. Il est impératif de centrer les efforts sur la préservation de la santé du consommateur et sur la qualité des aliments. La politique budgétaire, la réglementation de la formulation et l’étiquetage des produits alimentaires, ainsi que l’information sont autant d’outils à privilégier.
L’agriculture d’après ?
L’agriculture biologique fait son apparition en France au début des années 1950. À partir de 1968, des projets alternatifs naissent avec une sensibilisation croissante à l’écologie. La crise pétrolière révèle les limites des ressources de la planète et l’agriculture productiviste est vivement critiquée en raison de sa forte consommation d’énergie fossile et son caractère polluant.
La première officialisation de l’agriculture biologique remonte à la loi d’orientation agricole de 1980 et le terme « agriculture biologique » apparaît en 1991 dans un règlement européen qui reconnaît officiellement ce mode de production (règlement CEE 2092/91 du 24 juin 1991).
Entre 2018 et 2019, la consommation de produits biologiques en France a augmenté de 13,5 %. La grande distribution détient 55 % des parts de marché, suivie de la distribution spécialisée et de la vente directe.
Qu’en sera-t-il des répercussions de la Covid-19 et du confinement qui ont boosté les tendances à consommer local, la préférence pour les produits locaux, le fait maison ? Les prix des produits issus de l’agriculture biologique ne la rendent pas accessible à tous. Les surfaces consacrées à ce type d’agriculture ne concernent, à ce jour, en France, que 9,5 % de la surface agricole utile.
L’agriculture raisonnée... pas tout à fait l’agriculture biologique
L’agriculture raisonnée est tout d’abord l’attitude de l’agriculteur qui prend en compte dans ses choix techniques, les règles de la nature. Cette agriculture cherche à trouver un équilibre entre les objectifs de productivité de l’agriculture moderne conventionnelle et les contraintes d’une agriculture respectueuse de l’environnement. Elle tend à se rapprocher de l’agriculture biologique sans toutefois en adopter toutes les contraintes et donc sans pouvoir en revendiquer le sigle ou le nom.
Un agriculteur raisonné utilisera, par exemple, un peu d’engrais chimique à certaines périodes de l’année alors que l’agriculteur biologique, lui, se l’interdit complètement. Autre exemple, l’agriculture raisonnée n’exclut pas complètement les Organismes génétiquement modifiés (OGM). D’une manière générale, les pratiques de l’agriculture raisonnée sont définies dans un cadre élaboré en concertation entre spécialistes de l’agriculture, de l’agro-alimentaire, de l’environnement, de la distribution, et représentants des consommateurs. Certains distributeurs ont développé des gammes agriculture raisonnée, la "Filière Qualité", "Terre et Saveurs", ou encore "Filière agriculture raisonnée".
Le réseau Farre (Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement) fait la promotion de l’agriculture raisonnée en France avec environ 1 000 membres et 400 fermes de démonstration. (www.farre.org)
La persistance des risques sanitaires pour les agriculteurs
Si l’agriculture raisonnée constitue un pas vers une moindre utilisation des pesticides, elle ne saurait résoudre un problème dont le règlement est sans cesse reporté. En 2007, lors du Grenelle de l’environnement, un large débat a été ouvert. Parmi les actions annoncées, la baisse de 50 % de l’usage de produits phytosanitaires, si possible d’ici 2018. La réalité en 2021 est bien différente. L’usage de produits phytosanitaires n’a pas baissé, voire il augmente certaines années.
Différentes pathologies touchent les agriculteurs. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a évoqué, en 2013, l’implication des pesticides dans plusieurs pathologies chez des personnes exposées professionnellement à ces substances, des cancers, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction. Ces pathologies apparaissent le plus souvent avec une certaine latence par rapport au moment de l’exposition. Les agriculteurs utilisant des pesticides, comme les arboriculteurs, sont les plus touchés.
Règlement (CE) no 834/2007 du Conseil de l’Union européenne « La production biologique est un système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l’application de normes élevées en matière de bien-être animal et une méthode de production respectant la préférence de certains consommateurs à l’égard des produits obtenus grâce à des substances et des procédés naturels. »
Décret n° 2004-293 du 26 mars 2004 relatif au qualificatif « agriculture raisonnée »L’agriculteur doit adopter les principes de l’agriculture raisonnée sur l’ensemble de son exploitation en respectant un référentiel. Ce document porte sur le respect de l’environnement, la maîtrise des risques sanitaires, la santé et la sécurité au travail et le bien-être des animaux.