« Le maintien de la liberté d’installation sans limite n’est plus soutenable. »
En clôture de ce dossier, nous avons posé trois questions à Yves Vérollet, secrétaire national de la CFDT Retraités. Il nous explique : « Il n’y a jamais eu autant de médecins en France, et pourtant, nous parlons régulièrement de déserts médicaux ».
Sommaire du dossier
– Les déserts médicaux ne sont pas des mirages
– Trois notions de déserts médicaux se complètent
– Des initiatives sur le terrain
– CFDT Retraités : « Accéder à des soins de qualité pour tous et partout »
– Un énième plan de lutte gouvernemental contre les déserts médicaux
– « Le maintien de la liberté d’installation sans limite n’est plus soutenable. »
Le Gouvernement semble décidé à s’attaquer aux déserts médicaux. Cependant, ce n’est pas le premier plan. Celui-ci sera-t-il efficace ?
Nous souhaitons sa réussite, car il apparaît indispensable de trouver des solutions. Mais ce plan égrène une série de propositions – avec lesquelles nous sommes en accord – sans jamais expliquer comment elles seront mises en œuvre. Le résultat ne sera pas au rendez-vous. Pourtant, l’égalité d’accès aux soins est clairement compromise par les disparités territoriales dans l’offre de soins. Elle l’est aussi par les dépassements d’honoraires.
Il n’y a jamais eu autant de médecins en France (près de 200 000). Leur nombre a progressé plus vite que la population française. Les effectifs de la plupart des professionnels de santé se sont accrus. Et pourtant, nous parlons régulièrement de déserts médicaux. Quelle contradiction !
Les installations ne sont corrélées ni aux besoins de soins, ni aux caractéristiques démographiques de la population. La densité de professionnels de santé au regard de la population varie très fortement selon les départements de métropole. De 1 à 2 pour les médecins généralistes libéraux, mais de 1 à 8 pour les spécialistes.
Beaucoup de médecins mais mal répartis, que faire face à ce constat ?
L’accès de tous à des soins de qualité dépend de la bonne répartition des professionnels de santé sur le territoire. Les seules mesures incitatives ne marchent pas. Comme il est indiqué dans ce dossier, nous avons moins d’un millier de maisons pluridisciplinaires de santé.
Le maintien de la liberté d’installation sans limite est un « modèle » qui n’est plus soutenable. S’il ne faut pas adopter des méthodes coercitives envers les médecins, les négociations conventionnelles par professions ont atteint leurs limites ?
Développons des négociations interprofessionnelles pour des approches transversales pluri-professionnelles. Les coopérations entre professionnels sont encore anecdotiques. Or, parmi les jeunes professionnels, on sent une envie d’exercer de manière moins isolée. Une nouvelle définition des rôles et des compétences des professions de santé permet d’offrir une prise en charge globale des patients. Elle permet aussi de transférer certaines activités réalisées par les médecins vers les autres professions médicales et les auxiliaires médicaux. Peu d’expériences ont été engagées, malgré les avancées en la matière de la loi santé de 2009.
En plus des déserts médicaux, certaines zones suffisamment couvertes en professionnels subissent, elles, des dépassements d’honoraires ?
L’assurance-maladie s’efforce depuis des années de limiter les niveaux de dépassement des professionnels du secteur 2 (honoraires libres). Depuis l’instauration du contrat d’accès aux soins (devenu Optam en 2016), le taux de dépassement se réduit pour la cinquième année consécutive, selon la Caisse nationale. Reconnaissons que le passage d’un taux de dépassement de 55,4 % en 2011 à 51,9 % en 2016 reste un résultat modeste, même s’il est positif.
Pourquoi les pouvoirs publics ne donnent-ils pas une place centrale dans la gestion du système de soins aux négociations conventionnelles en encadrant les résultats sur l’installation des professionnels en fonction des besoins de santé et les dépassements d’honoraires ? Ce n’est pas une utopie.
Nos voisins allemands ont réussi à mieux faire participer les médecins aux enjeux financiers du système de soins, tout en les rémunérant mieux qu’en France. Sinon il faudra en arriver à de grandes décisions tels le conventionnement sélectif et le plafonnement des dépassements !
Propos recueillis par Jean-Pierre Delhoménie