10 Les mesures de protection juridique des majeurs
L’altération des facultés physiques ou mentales d’une personne peut nécessiter la mise en place d’une protection. Il existe trois mesures principales : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle. L’ensemble du dispositif est complété par l’habilitation judiciaire familiale et le mandat de protection future.
Le poids respectif de ces mesures est croissant en fonction des circonstances et des besoins de la personne à protéger. Dans tous les cas, le juge doit apprécier le niveau de protection et d’accompagnement nécessaires et respecter les droits de la famille.
1. L’habilitation judiciaire familiale
L’habilitation familiale est une solution permettant à un proche la possibilité de représenter une personne qui ne peut plus pourvoir seule à ses intérêts parce que l’état de ses facultés mentales ou corporelles l’en empêche.
La situation de la personne à protéger doit être médicalement constatée par un médecin figurant sur une liste établie par le procureur de la République. Ce médecin peut consulter le médecin traitant de la personne à protéger.
Un ascendant, un descendant, un frère, une sœur, le partenaire d’un Pacs ou le concubin peuvent demander à être habilités. Cette demande est à faire auprès du juge des tutelles soit directement soit par le biais du procureur de la République. Cette mission de protection est exercée gratuitement. Elle suppose que l’ensemble des proches de la personne à protéger soit d’accord sur la désignation de la personne qui sera habilitée.
Après audition du requérant et éventuellement de la personne à protéger et examen de la requête, le juge statue le choix de la (ou des) personne(s) habilitée(s) et sur l’étendue de l’habilitation qui peut être générale ou limitée. Ce choix est fait pour une durée de 10 ans (renouvelable au vu d’un certificat médical circonstancié.
L’habilitation familiale ne peut être ordonnée que si l’application des règles relatives aux droits et devoirs des époux n’est pas suffisante.
Lorsque l’habilitation est générale, elle porte sur toutes les catégories d’actes administratifs, de disposition des biens ou relatifs à la personne elle-même. Le juge peut aussi décider que l’habilitation est limitée à certains actes.
L’habilitation prend fin si l’intéressé est placé sous sauvegarde de justice, sous curatelle ou sous tutelle, si les conditions de l’habilitation ne sont plus réunies, si l’habilitation porte atteinte aux intérêts de la personne à protéger ou si les actes pour lesquels l’habilitation a été prononcée ont été accomplis.
Toutes les décisions du juge relatives à l’habilitation judiciaire familiale peuvent faire l’objet d’un recours dans les 15 jours à compter de leur notification. L’appel est à formuler auprès du greffe du tribunal de première instance.
ATTENTIONLe conjoint est concerné par l’habilitation judiciaire familiale
Le conjoint marié de la personne à protéger peut prétendre à l’habilitation judiciaire familiale sauf si la communauté de vie a cessé avec le majeur protégé.
2. La sauvegarde de justice
C’est une mesure de liberté protégée qui peut être prise rapidement sur déclaration médicale ou sur décision judiciaire. Après avis d’un médecin psychiatre, le juge a la possibilité de prononcer une sauvegarde pure et simple dans laquelle la personne protégée conserve tous ses droits avec un contrôle à posteriori.
Cette mesure de protection est prise pour une durée de deux mois renouvelable. Si elle est demandée par la personne elle-même, par un membre de la famille ou par un tiers, elle peut être accompagnée de la mise en place d’un mandataire de justice. Ce dernier doit assister et représenter la personne placée sous sauvegarde. La mesure de sauvegarde ne peut durer plus de deux ans (un an renouvelable une fois).
3. La curatelle
Placée sous curatelle, la personne est mieux protégée mais sa liberté est réduite. Cette mesure s’adresse à des personnes qui sont capables d’agir en étant accompagnées d’un tiers appelé curateur. L’audition préalable de la personne concernée est obligatoire.
Le juge qui prononce la mesure doit respecter le choix de la personne accompagnatrice si c’est indiqué soit dans un testament soit dans un mandat de protection future. Il doit prioritairement faire le choix d’un membre de la famille proche. Le curateur désigné doit accompagner la personne sans se substituer à elle dans l’accomplissement des actes de la vie. Cette mesure est prononcée pour une durée maximale de 5 ans renouvelable.
BON À SAVOIRDifférence entre curatelle simple et curatelle renforcée
Curatelle simple : la personne protégée effectue seule les actes de la vie civile mais a besoin de l’accord de son curateur pour les actes importants.
Curatelle renforcée : le curateur effectue seul les actes de la vie civile, les actes importants nécessitant la double signature de la personne protégée et de son curateur. Dans ce cas, la curatelle se rapproche d’une tutelle.
4. La tutelle
Dans le cas où elle est placée sous tutelle, la personne est privée de l’essentiel de ses droits. Demandée par des proches ou par le procureur de la république, elle doit s’appuyer sur un certificat médical. Le juge a un délai maximum de un an pour se prononcer, ce qui laisse la place pour des mesures transitoires de sauvegarde de justice.
5. Le mandat de protection future
Cette mesure ouvre la possibilité d’anticiper l’organisation d’une protection future dont pourrait avoir besoin la personne qui la choisit pour elle-même ou pour un enfant handicapé. Ainsi la personne fait elle-même un choix en toute liberté mais le mandataire désigné reçoit alors un large pouvoir sur les personnes et leurs biens lorsque le besoin d’une protection apparaît nécessaire. En effet c’est le mandataire désigné qui, muni d’un certificat médical concernant la personne à accompagner, se rend au tribunal pour engager la mesure de protection. On imagine les risques d’une telle situation lorsque le mandataire désigné plusieurs années auparavant demande à exercer la protection alors qu’il n’est plus nécessairement la personne de confiance choisie précédemment.
Il existe des possibilités de révocation du mandat mais encore faut-il que la personne qui a donné par avance ce mandat pense à changer le mandataire désigné dans le mandat de protection future ou soit en état de le faire.
Cette possibilité est intéressante car elle répond au souci d’une personne de garantir son avenir mais elle comporte des risques et contredit la démarche de professionnalisation recherchée pour la fonction de mandataire.
Il est possible de saisir le juge des tutelles : en cas de contestation de la mise en œuvre ou des conditions d’exécution du mandat (le juge peut à cette occasion mettre fin au mandat) s’il devient nécessaire de protéger le mandant davantage que ne le prévoyait le mandat. Le juge peut alors compléter la protection de la personne par une mesure judiciaire (tutelle ou curatelle)