25 La retraite progressive
La retraite progressive permet de faire liquider une partie de sa pension de retraite, dans tous les régimes où on a cotisé, en exerçant une activité à temps partiel.
Pour les fonctionnaires les règles sont différentes et sont expliquées fiche 46 de ce guide.
(les mises à jour précédentes sont retirées)
– corrections suite à la réforme des retraites 2023 (30/9/23) ;
– lien vers La minute de vos droits CFDT en fin de fiche (6/6/24) ;
– ajout paragraphe au point 2 sur les activités n’ouvrant pas droit à la retraite progressive (décret 2024-755 du 7 juillet 2024) (24/8/24) ;
– regroupement dans un point 5 des cas de révision, suspension et suppression (12/10/24) ;
– ajout en fin du point 2 sur les préretraites (30/10/24).
Pour les pouvoirs publics, la retraite progressive encourage la prolongation d’activité rémunérée, en facilitant la transition entre emploi et retraite. D’autre part, la retraite progressive est une alternative au cumul emploi retraite à partir de l’ouverture du droit à la retraite.
La réforme de 2023 ouvre le droit à la retraite progressive dans tous les régimes de retraite, avec des modalités particulières pour les non-salariés.
Bon à savoir
Droit à la retraite progressive pour les salariés en forfait jours
Le Conseil Constitutionnel a jugé en février 2021 que la différence de traitement entre les salariés dont la durée du travail est quantifiée en heures et ceux dont l’activité est mesurée en jours est contraire au principe d’égalité. La loi de financement de la sécurité sociale 2022 (LFSS) tire les conséquences de cette décision et élargit le bénéfice de la retraite progressive aux salariés au forfait jours, à compter de janvier 2022.
1. Une liquidation provisoire de la retraite
Le montant de la retraite progressive est provisoire. La pension sera recalculée lors du départ définitif en retraite. L’assuré social continue à acquérir des droits.
Les cotisations versées après le point de départ de la retraite progressive sont retenues pour le calcul de la pension complète. Celle-ci ne peut pas être inférieure à la pension qui a servi de base au calcul de la retraite progressive. Avec l’accord de l’employeur, on peut cotiser comme sur un temps plein pour la retraite.
Bon à savoirFonctionnaires non titulaires concernés
Les agents contractuels, non titulaires de l’État, des collectivités territoriales, des établissements hospitaliers et des établissements publics de l’État peuvent bénéficier de la retraite progressive. Rappelons qu’ils cotisent au régime général.
2. Conditions à remplir
La demande à l’employeur passe par un courrier recommandé AR au moins deux mois avant la date d’effet. L’employeur a deux mois pour répondre en recommandé AR.
La réforme des retraites 2023 encadre le refus de l’employeur d’accorder un temps partiel pour une retraite progressive. Si le salarié a atteint l’âge requis pour bénéficier de la retraite progressive, l’employeur ne peut s’opposer à la demande de passage à temps partiel (ou à temps réduit pour les salariés en forfait-jours) que si la durée de travail souhaitée est « incompatible avec l’activité économique de l’entreprise ».
Comme l’employeur doit justifier son refus par écrit, le salarié pourra contester ce refus s’il l’estime non justifié.
Le droit à la retraite progressive est ouvert à condition :
– d’avoir « atteint l’âge légal de départ à la retraite moins deux ans » (l’âge légal passe de 62 à 64 ans comme indiqué fiche 18) ;
– de réunir une durée d’assurance et de périodes équivalentes « à 150 trimestres au régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires », donc y compris les régimes spéciaux de retraite ;
– d’avoir un contrat de travail à temps partiel en heures ou à temps réduit en jours et dont la durée de travail doit être comprise entre 40 et 80% d’un temps plein ; le contrat de travail à temps partiel exigé pourra avoir une durée inférieure à la durée légale de 24h d’un temps plein.
Par exemple, pour une durée légale du travail applicable à l’entreprise de 35 heures hebdomadaires, la durée de travail à temps partiel ouvrant droit à la retraite progressive doit être au moins de 14 heures (40 %) et au plus de 28 heures (80 %).
Pour une durée fixée en jours, la durée annuelle du temps réduit sera comparée à la durée de travail maximale de 218 jours. Soit entre 88 (40%) et 174 jours (80%).
Une activité bénévole, non rémunérée et sans affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale, peut être poursuivie parallèlement à l’activité à temps partiel ouvrant droit à la retraite progressive.
Le droit à la retraite progressive n’est pas possible :
– si on bénéficie d’une préretraite réglementaire, conventionnelle ou décidée par l’employeur ;
– si on exerce un activité incompatible définie dans l’article D161-2-24-5-1 CSS ; par exemple les administrateurs des groupements mutualistes qui perçoivent une indemnité de fonction ou les personnes ayant souscrit un service civique.
3. Montant de la retraite progressive
Les éléments de calcul de la pension (salaire annuel moyen, le taux et la durée d’assurance) sont déterminés selon les règles habituelles (voir fiches 20 sur le taux de liquidation et 21 sur le calcul de la pension).
Si un seul employeur. La fraction de pension servie est égale à la différence entre 100 % et la quotité de travail à temps partiel par rapport à la durée du travail à temps complet dans l’entreprise. Toutefois, la quotité de travail à temps partiel ne peut être inférieure à 40 % ni supérieure à 80 %. Autrement dit, si le temps partiel est de 50 %, la pension sera de 50 %.
Par exemple, pour 25 heures hebdomadaires et une durée dans l’entreprise de 35 heures hebdomadaires :
– la quotité de travail est de : 25/35 x 100 = 71,4285 arrondi à l’entier le plus proche, soit 71 % ;
– et le pourcentage de fractionnement à appliquer au montant entier de la retraite progressive est de : 100 - 71 = 29 %.
Par exemple, pour un forfait jours à temps réduit de 150 jours :
– la quotité de travail à temps réduit est de : 150/218 x100 = 68,80% arrondi à l’entier le plus proche soit 69% ;
– la fraction de la retraite personnelle à verser sera de 100 - 69 = 31%.
Par dérogation aux dispositions sur la décote, le coefficient de minoration du taux plein ne peut excéder 25 %.
Si plusieurs employeurs. Pour les assurés salariés de plusieurs employeurs, entreprises ou collectivités publiques, l’appréciation de l’exercice des activités à temps partiel est déterminée par l’addition des rapports entre le nombre d’heures ou de jours de travail et la durée de travail à temps complet applicable à chacun des emplois. (voir exemple ci-dessus).
Le salarié doit être à temps réduit en forfait jours ou à temps partiel en heures, il ne peut pas mélanger les deux.
La quotité de travail à temps partiel ou à temps réduit globale est définie comme la somme des quotités de travail à temps partiel par rapport à la durée du travail à temps complet applicable de chacun des emplois. Cette quotité de travail, exprimée en pourcentage, est arrondie à l’unité la plus proche. La quotité de travail ne peut être inférieure à 40% ni supérieure à 80%. La fraction de pension servie est égale à la différence entre 100 % et cette quotité de travail.
Pour les salariés de particuliers employeurs, la durée de travail à temps complet prise en compte est celle prévue par la convention ou l’accord collectif de travail qui leur est applicable, soit 40 h par semaine.
Pour les assistants maternels salariés auprès de particuliers employeurs, l’exercice d’une activité à temps partiel est apprécié à partir du nombre moyen d’heures d’accueil par contrat de travail. Il est rapporté à la durée hebdomadaire de 45 heures par semaine prévu par la CCN.
La quotité de travail à temps partiel est déterminée à partir du nombre moyen d’heures d’accueil par contrat de travail rapporté au nombre d’heures hebdomadaires, au-delà duquel les heures travaillées donnent lieu à une majoration de rémunération, fixé par la convention ou l’accord collectif de travail qui leur est applicable ou, à défaut, celui fixé par décret. Cette dernière durée est multipliée par quarante- sept douzièmes lorsque la durée de travail est mensuelle, et par quarante-sept lorsque la durée de travail est annuelle.
Bon à savoirCotiser sur la base d’un temps plein
Il est possible de cotiser sur la base d’une activité à temps plein sur le salaire à temps partiel. Cela améliore la retraite future. Le paiement de cotisations (régime de base et complémentaires Agirc-Arrco uniquement) sur une assiette correspondant à un emploi à temps plein doit faire l’objet d’un accord écrit entre le salarié concerné et l’employeur dans le contrat de travail initial ou dans un avenant.
Les contractuels du secteur public bénéficient de la retraite progressive mais n’ont pas droit à la surcotisation pour la retraite.
4. Retraite progressive dans plusieurs régimes de retraite
L’attribution d’une retraite progressive au régime général entraîne la liquidation provisoire et le service de la même fraction de retraite auprès des régimes agricoles (salariés et non-salariés de la MSA) et du régime des professions libérales (CNAVPL).
L’attribution de la retraite progressive dans les régimes spéciaux de retraite des fonctionnaires (CNRACL ou SRE) entraine la liquidation provisoire dans les autres régimes (voir fiche 46). Donc un fonctionnaire peut obtenir une fraction de retraite de 10% puisqu’il peut obtenir un temps partiel de 90%.
C’est le régime où on cotise au moment de la demande qui transmet aux autres. Certains régimes spéciaux n’effectuant pas ce transfert, envoyez vous-même votre notification de retraite progressive aux autres caisses de retraite où vous avez cotisé.
AttentionSuppression des indemnités journalières aux salariés malades en retraite progressive
Un décret de 2021 déroge au principe d’indemnisation de la maladie durant 360 jours : les bénéficiaires d’une pension de retraite voient leur indemnisation réduite à 60 jours. Plusieurs CPAM appliquent cette mesure à la retraite progressive, entrainant parfois des récupérations d’indus.
Un tribunal judiciaire en décide autrement. Les juges considèrent que l’assurée ne bénéficie qu’une « fraction de la pension provisoire » et que « l’interprétation trop large du décret par la CPAM a pour effet de vider de sens le principe des indemnités journalières et l’objectif poursuivi par la retraite progressive, qui n’est résolument pas de dissuader les personnes de poursuivre leur activité professionnelle en fin de carrière ». La CPAM est condamnée à verser les indemnités journalières au-delà des 60 jours.
Nous remercions la personne ayant obtenu satisfaction de nous avoir transmis ce jugement.Cette mesure est officiellement abrogée depuis le 1er mai 2023.
5. Révision, suspension ou suppression de la retraite progressive
Il n’y a pas d’âge maximum pour rester en retraite progressive. On demande sa retraite à la date souhaitée, à partir de l’ouverture du droit.
Révision. Le montant est révisé en cas de modification du temps de travail. La première révision intervient à la date anniversaire du point de départ de la retraite progressive. Ensuite, elle commence le premier jour du mois suivant celui où la modification est intervenue. Il faut informer ses régimes de retraite de cette modification. Le courrier devra justifier la nouvelle situation (contrat(s) de travail et attestation du ou des employeur(s) comme pour une première demande (voir ci-dessous). La première révision intervient à la date anniversaire du point de départ de la retraite progressive.
Suspension. La caisse de retraite contrôle tous les ans par questionnaire le droit à la retraite progressive : sans réponse, elle suspend le versement. Si la durée entre 40 et 80% n’est plus respectée : elle suspend le versement. Si le temps partiel cesse : elle suspend le versement en attendant l’éventuelle reprise d’une nouvelle activité à temps partiel.
Suppression. La retraite progressive est supprimée :
– si demande de retraite définitive ;
– si le salaire à temps partiel (ou à temps réduit) atteint ou dépasse celui perçu avant la retraite progressive ; attention, cette mesure restrictive résulte de la réforme de 2023 ;
– si reprise d’une activité à temps complet.
Lorsqu’on cesse totalement son activité, il faut demander la retraite complète. Elle est liquidée dans les conditions de droit commun. Elle prend en compte la totalité des trimestres validés, y compris pendant la période de la retraite progressive. En tout état de cause, elle ne peut être inférieure au montant de retraite total ayant servi de base au calcul de la fraction de pension versée au titre de la retraite progressive, le cas échéant revalorisé.
6. Demande de retraite progressive
Avec la demande de retraite progressive, il faut joindre :
– le ou les contrats de travail à temps partiel ou à temps réduit appliqués à la date d’effet de la retraite progressive et/ou une attestation de la collectivité publique ;
– une déclaration sur l’honneur attestant qu’on n’exerce aucune autre activité professionnelle que celles faisant l’objet du contrat de travail à temps partiel ou à temps réduit et en apporter la preuve par tout moyen ;
– une attestation de chaque employeur concerné indiquant la durée du travail à temps complet ou à temps réduit applicable à l’entreprise, l’établissement ou la profession et faisant apparaître la durée du travail applicable ;
– les bulletins de paie des 12 derniers mois précédents la demande.
Attention !Liquidation provisoire
Il est recommandé d’utiliser l’imprimé Cerfa spécial « retraite progressive » ou la demande en ligne.
Il est important de bien préciser dans la demande de liquidation qu’il s’agit de la retraite progressive, donc d’une liquidation provisoire. Dans le cas contraire, la caisse applique une liquidation normale avec versement de pension, mais celle-ci est définitive
Formulaire d’attestation employeur
Un modèle du formulaire « retraite progressive – attestation employeur » est fixé par arrêté.
6. Retraite progressive dans les régimes complémentaires
La retraite versée par les régimes complémentaires est fonction de la durée du temps partiel. Elle est réduite dans les mêmes proportions que le régime général :
– voir aussi fiche 36 Agirc-Arrco Calcul de la retraite, décotes, majorations, cumul, deuxième retraite),
– voir aussi 39 Ircantec - Calcul de la retraite, décote, surcote, majoration, deuxième retraite.
Les coefficients d’abattement dus à l’insuffisance de trimestres et à l’âge sont particuliers au régime Agirc-Arrco (en téléchargement ci-dessus).
Vidéo CFDT
La minute de vos droits
La confédération CFDT propose une vidéo d’une minute sur la retraite progressive : La minute de vos droits - retraite progressive